L’Union européenne (UE) a intensifié son soutien aux populations du Nord-Kivu en acheminant 240 tonnes d’aide non alimentaire à Goma, une réponse d’urgence face aux conflits armés qui déchirent la région. Toutefois, près de la moitié de cette assistance, évaluée à un million de dollars américains, reste bloquée dans un circuit logistique complexe, selon les révélations de l’ambassadeur de l’UE en RDC, Nicolas Berlanga Martinez, lors d’une interview accordée à Radio Okapi ce jeudi.
Pourquoi une aide aussi cruciale tarde-t-elle à atteindre ses destinataires ? Le diplomate européen a détaillé les obstacles : initialement prévu via trois ponts aériens depuis l’Europe, le transport a dû être réorganisé en raison de l’instabilité sécuritaire. Les cargaisons transitent désormais par Nairobi, puis empruntent des routes terrestres via le Kenya et le Rwanda avant de franchir la frontière congolaise. Un périple de plusieurs milliers de kilomètres qui explique le retard des 100 tonnes restantes.
Le premier lot livré, composé de 40 tonnes de matériel d’urgence, a déjà été pris en charge par des ONG locales. Tentes, kits d’hygiène et matériel médical commencent à soulager partiellement les déplacés dont le nombre croît exponentiellement depuis la recrudescence des violences. Mais comment garantir une distribution équitable dans une zone où les groupes armés contrôlent encore certains axes ?
Cette initiative s’inscrit dans un contexte géopolitique volatile. L’UE souligne parallèlement les récents efforts de dialogue régional, notamment la rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame à Doha, suivi de la signature d’une déclaration de principes à Washington le 25 avril. Des avancées symboliques, mais qui peinent encore à se traduire sur le terrain par une baisse tangible des affrontements.
Les observateurs notent toutefois un paradoxe : alors que l’aide européenne emprunte le territoire rwandais, Kigali reste accusé par Kinshasa de soutenir le M23, principal groupe rebelle actif dans le Nord-Kivu. Une situation qui interroge sur la faisabilité d’une coopération humanitaire apaisée dans la région. « Notre priorité est d’éviter une catastrophe humanitaire, quelles que soient les contraintes logistiques », a insisté l’ambassadeur Martinez, sans toutefois éluder les « défis diplomatiques » sous-jacents.
Avec plus de 6,9 millions de déplacés internes selon le HCR, la RDC fait face à l’une des crises les plus complexes au monde. L’intervention de l’UE, bien que significative, révèle aussi les limites des mécanismes d’urgence internationaux dans les zones de conflit multipartites. Les acteurs humanitaires sur place redoutent qu’une partie de l’aide ne soit détournée ou bloquée par des milices, comme cela a été documenté à plusieurs reprises.
Quelles perspectives pour les mois à venir ? Bruxelles promet de renforcer son appui via le mécanisme de protection civile européen, tout en plaidant pour une solution politique inclusive. Mais dans l’immédiat, les organisations locales appellent à une sécurisation des couloirs humanitaires et à une meilleure coordination entre donateurs internationaux et autorités congolaises. Le temps presse : la saison des pluies, qui débute dans quelques semaines, risque d’aggraver encore les conditions de vie des populations vulnérables.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net