Dans les rues de Goma, où les cendres volcaniques se mêlent à la poussière des déplacés, une femme serre contre elle un enfant endormi. « Nous avons fui les combats à Minova, mais ici, il n’y a ni eau ni médicaments », murmure-t-elle, reflet d’une tragédie silencieuse. Cette scène, répétée des milliers de fois, illustre l’urgence soulignée par Mme SungAh Lee, directrice générale adjointe de l’OIM, lors de sa récente visite en RDC.
Le constat est accablant : près de 7 millions de Congolais errent dans leur propre pays, chassés par les conflits armés, l’instabilité politique et les chocs climatiques. Un chiffre qui place la RDC au sommet macabre des crises de déplacement mondiales. « Comment parler de développement quand des familles entières survivent sous des bâches trouées ? », interroge un travailleur humanitaire sous couvert d’anonymat.
La région du Nord-Kivu, épicentre de cette crise, concentre à elle seule plus de 660 000 nouveaux déplacés depuis janvier 2025. Dans des sites de transit saturés, le choléra guette, les violences sexuelles se multiplient, et les enfants grandissent sans école. Mme Lee, après avoir rencontré des survivants, lance un cri d’alarme : « L’ampleur des besoins dépasse toute imagination. Sans mobilisation internationale immédiate, nous risquons un effondrement humanitaire. »
Derrière les statistiques se cache une réalité cruelle. À Mugunga, site emblématique près de Goma, cinq familles se partagent un seul jerrican d’eau par jour. Les femmes parcourent 15 km pour trouver du bois, exposées aux agressions. « J’ai vu des adolescentes accoucher dans des latrines », témoigne une infirmière de Médecins Sans Frontières.
L’OIM tente de répondre à l’urgence : distribution de kits d’hygiène, construction d’abris semi-permanents, soutien psychosocial. Mais les moyens restent dérisoires face à l’explosion des besoins. Seulement 35% des fonds requis pour 2025 ont été mobilisés, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU.
La visite de Mme Lee s’inscrit dans une stratégie plus large : transformer l’aide d’urgence en solutions durables. « Il ne s’agit pas seulement de sauver des vies aujourd’hui, mais de construire des institutions résilientes pour demain », explique-t-elle après sa rencontre avec le ministre congolais de l’Intérieur. Un programme ambitieux qui passe par le renforcement des systèmes de santé locaux et la sécurisation des zones de retour.
Pourtant, les défis persistent. Comment stabiliser des régions où les groupes armés contrôlent 70% des territoires miniers ? Quelle réponse apporter aux dérèglements climatiques qui exacerbent les tensions foncières ? Les partenariats évoqués avec la Banque mondiale et l’Union africaine laissent entrevoir des pistes, mais les résultats tardent à se concrétiser sur le terrain.
Cette crise pose une question fondamentale : la communauté internationale a-t-elle encore la capacité de prévenir les catastrophes humanitaires ? Alors que les yeux du monde se tournent vers d’autres conflits, la RDC risque de sombrer dans l’indifférence générale. Pourtant, comme le rappelle Mme Lee : « Chaque minute perdue se mesure en vies brisées. »
En filigrane de cette visite se dessine un enjeu sociétal majeur. Les déplacés d’aujourd’hui seront-ils les citoyens de demain ou une génération sacrifiée ? La réponse dépendra de la capacité à conjuguer urgence humanitaire et justice sociale, dans un pays où 60% de la population a moins de 20 ans. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention, mais à l’action concertée. Car comme le murmurent les habitants de Goma : « L’espoir aussi a besoin de toit. »
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
