Dans une région où les rumeurs peuvent dégénérer en violences en quelques heures, comment renforcer la résilience communautaire face aux fausses informations ? Vingt-six leaders de la société civile du Grand Nord-Kivu viennent de participer à une formation inédite organisée par la MONUSCO à Beni. Pendant deux jours, ces acteurs locaux ont décrypté les mécanismes des discours de haine et des fausses informations qui empoisonnent régulièrement le climat social dans cette zone stratégique de la RDC.
« La désinformation est devenue une arme de destruction massive dans nos communautés », alerte Pepin Kavota, président de la coordination des forces vives de Beni. Son constat frappe par sa lucidité : chaque rumeur amplifie les fractures, chaque mensonge compromet les efforts de pacification. Les participants venus de Butembo, Lubero et Beni ont analysé des cas concrets ayant alimenté des tensions intercommunautaires récentes.
L’approche pédagogique de la MONUSCO combine théorie et mise en situation. Les modules portent sur le fact-checking, l’analyse des sources et la détection des biais cognitifs. « Nous apprenons à décortiquer une information comme un médecin analyse des symptômes », explique une participante sous couvert d’anonymat. Cette formation s’inscrit dans une série d’initiatives pour contrer les discours de haine qui entravent la stabilisation du Nord-Kivu.
Mais comment transformer ces connaissances en actions concrètes ? Les organisateurs misent sur un effet multiplicateur. Chaque participant s’engage à former à son tour 50 leaders locaux dans son territoire. Une chaîne de vigilance qui pourrait toucher près de 1 300 relais communautaires d’ici fin 2024. Un mécanisme de suivi incluant des cellules d’alerte et des partenariats avec les médias locaux est en cours d’élaboration.
Ce projet révèle un changement de paradigme dans la gestion des conflits en RDC. Plutôt que de traiter uniquement les symptômes de la violence, on s’attaque désormais à ses racines informationnelles. Une stratégie qui fait écho aux récentes initiatives similaires observées à Goma et Kinshasa, preuve que la lutte contre l’infox devient un enjeu central de la cohésion sociale.
Reste à savoir si ces outils résisteront à la réalité du terrain. Dans des zones parfois privées de réseau téléphonique, comment appliquer des protocoles de vérification numérique ? Les formateurs insistent sur l’importance du dialogue direct et des réseaux communautaires traditionnels. Une approche hybride qui pourrait faire du Nord-Kivu un laboratoire de résilience informationnelle en Afrique subsaharienne.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net