Une onde de choc parcourt le secteur minier artisanal du Lualaba. Suite à la publication d’un arrêté ministériel, une tension palpable s’est installée à Kolwezi, capitale minière du sud-est de la RDC, nécessitant l’envoi urgent d’une commission d’apaisement par le ministère national des Mines. Cette délégation, dépêchée sur place ce lundi, tente de désamorcer une crise sociale naissante et de clarifier une mesure administrative dont l’interprétation a provoqué inquiétude et colère parmi les milliers de creuseurs artisanaux.
À l’origine des turbulences, un arrêté signé par le ministre des Mines, portant suspension des activités de toutes les entités de traitement des minerais issus de l’exploitation minière artisanale de la filière cuivre-cobalt. La lecture rapide, et sans doute anxiogène, de ce texte a laissé croire à un arrêt brutal de l’ensemble du secteur artisanal, une mesure explosive dans une province où cette activité fait vivre directement des dizaines de milliers de familles. Comment une décision administrative peut-elle menacer l’équilibre socio-économique d’une région entière ?
Face à cette grogne montante, la mission du ministère, conduite par Franck Fwamba, joue les pompiers. Son message est clair et cherche à rassurer : « L’artisanat n’a pas été interdit, les coopératives n’ont pas été arrêtées. Que cela soit clair : l’arrêté ne le dit pas », a-t-il martelé. Selon ses explications, la mesure ne vise pas les creuseurs artisanaux en tant que tels, ni leurs coopératives légales, mais uniquement certaines « entités de traitement » non conformes à la réglementation. Une tentative de tri dans un écosystème minier artisanal souvent opaque, mais dont la mise en œuvre semble avoir été mal communiquée, semant la confusion.
La réaction sur le terrain a malheureusement dépassé la simple protestation verbale. La tension à Kolwezi a dégénéré en violence, faisant état de deux morts et de plusieurs blessés lors de manifestations d’exploitants artisanaux. Ce tragique épisode illustre la fragilité extrême du tissu social dans les zones minières et la peur viscérale de voir son gagne-pain s’évaporer du jour au lendemain. Le président provincial du Réseau des négociants miniers du Congo (RENEMICO), Mutra Mutunda, avait pourtant alerté, plaidant pour la levée d’une décision qui « affecte des milliers de familles et pourrait provoquer des tensions sociales ». Un cri d’alarme resté sans écho suffisant avant l’irréparable.
Au-delà de l’incendie immédiat à éteindre, cette crise met en lumière les défis structurels de la gouvernance minière en RDC. D’un côté, l’État, par la voix de sa commission des mines, réaffirme sa volonté de « réformer le secteur conformément au Code minier » et d’assainir les chaînes d’approvisionnement, une exigence cruciale des marchés internationaux soucieux de traçabilité et d’éthique. De l’autre, une économie de survie, celle de l’exploitation minière artisanale en RDC, qui fonctionne comme une soupape sociale essentielle mais reste vulnérable à tout changement réglementaire brusque.
La mission de la commission à Kolwezi, qui doit rencontrer toutes les parties prenantes, représente donc un test crucial. Il s’agit non seulement d’apaiser les tensions immédiates mais aussi de reconstruire un dialogue de confiance entre l’administration et un secteur économique vital. L’enjeu est de taille : parvenir à encadrer et formaliser l’artisanat minier sans le tuer, à introduire des standards sans précipiter des milliers de personnes dans la précarité. La pérennité du secteur minier artisanal du Lualaba, et la stabilité de la région, dépendent de cet équilibre délicat. L’État peut-il réussir une réforme profonde sans déclencher de nouveaux séismes sociaux ? La réponse se construit actuellement dans les réunions de clarification à Kolwezi.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
