Dans un contexte où la transparence administrative et l’accès à l’information deviennent des enjeux démocratiques majeurs, une initiative citoyenne vient secouer le statu quo. Le Collectif 24, structure de la société civile, a officiellement lancé un plaidoyer pour l’adoption d’une loi spécifique sur la numérisation en République démocratique du Congo. Cette proposition, formulée lors d’une séance de sensibilisation tenue à Kinshasa, vise rien de moins qu’à moderniser le patrimoine documentaire national et à briser les barrières bureaucratiques. Le gouvernement se retrouve ainsi sommé de sortir de son inertie et de prendre à bras-le-corps cette question de gouvernance numérique. La balle est désormais dans son camp, et son inaction pourrait être interprétée comme un déni de modernité.
Lors de cet atelier dédié à la numérisation des archives et documents administratifs, le secrétaire exécutif du Collectif 24, Henri Longedja, a dressé un tableau sans concession des obstacles. Les défis ne manquent pas : contraintes financières criantes, déficit technique évident et manque de personnel qualifié constituent le trio infernal qui entrave toute avancée significative. « Il y a des besoins techniques, humains, mais aussi financiers », a-t-il martelé, avant d’interpeller directement les autorités. « Nous demandons au gouvernement de doter les archives nationales de moyens conséquents pour accomplir ce travail. Comment initier un texte de loi qui pourrait être porté par le gouvernement ou les députés ? » Cette question rhétorique, lancée comme un défi, souligne l’impératif d’une impulsion politique forte pour que la numérisation RDC passe du stade de vœu pieux à celui de projet concret.
L’enjeu dépasse la simple modernisation d’un service. Il touche au cœur de la relation entre l’État et les citoyens. Jean-Paul Nenga, président des archivistes de la RDC, a rappelé avec force l’impact transformateur d’une telle réforme. « Avec la numérisation, l’accessibilité devient facile. Les gens peuvent accéder aux informations depuis différents endroits. » Cette facilité d’accès promet une petite révolution dans un pays où la consultation d’un document officiel relève souvent du parcours du combattant. La future loi numérisation archives pourrait ainsi devenir le vecteur d’une démocratie plus participative, en garantissant un droit fondamental : celui de s’informer. Pourtant, derrière cette vision idéale se cachent des réalités politiques complexes. Le gouvernement, souvent prompt à annoncer des plans de digitalisation, sera-t-il capable de traduire cette ambition en mesures budgétaires et législatives concrètes ?
Les recommandations issues de la rencontre sont claires. Outre la nécessité d’un cadre légal, l’Institut national des archives du Congo (INACO) est invité à renforcer sa collaboration avec la société civile. Ce partenariat est présenté comme la clé pour faire avancer la mission de préservation et de diffusion du patrimoine archivistique. Le Collectif 24 positionne ainsi la société civile non pas comme une simple spectatrice, mais comme un acteur incontournable de ce chantier national. Cette approche collaborative pourrait-elle forcer la main à une administration parfois réticente au changement ? La modernisation des archives nationales RDC représente un investissement lourd, mais le coût de l’immobilité, en termes de déficit démocratique et de perte de mémoire collective, est infiniment plus grand.
Au-delà des aspects techniques, cette initiative interroge la volonté politique réelle des dirigeants congolais. La numérisation n’est pas une fin en soi, mais un outil au service de la bonne gouvernance. Elle pourrait limiter les pratiques opaques et réduire les espaces de rétention d’information, domaines où certains acteurs étatiques ont peut-être leurs habitudes. Le plaidoyer pour un meilleur accès information RDC porte donc en lui une dimension subversive, challengeant les structures de pouvoir traditionnelles. Le chemin vers l’adoption d’une telle loi sera semé d’embûches, entre lenteurs parlementaires et arbitrages budgétaires défavorables. L’échec de ce projet ne serait pas seulement un revers technologique ; il serait le symbole d’un État qui rechigne à s’ouvrir à ses citoyens.
En définitive, la proposition du Collectif 24 agit comme un révélateur des tensions entre modernisation affichée et conservatisme latent. Les prochains mois seront décisifs. La société civile a posé sa pierre à l’édifice. Il appartient maintenant au législateur et à l’exécutif de prouver que la transition numérique de la RDC n’est pas qu’un slogan de campagne, mais une priorité d’action. La crédibilité des institutions en dépend, tout comme la confiance des populations. L’histoire jugera si cette opportunité de franchir un cap décisif vers un État transparent et accessible a été saisie… ou gaspillée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
