« Comment célébrer Noël quand votre réfrigérateur ne fonctionne pas et que vos aliments pourrissent dans la chaleur ? » s’interroge, la voix chargée d’amertume, Mathieu Kumbu, jeune habitant de Moanda. Ce constat amer est le lot quotidien de milliers de familles de cette cité côtière du Kongo Central, paradoxalement riche en ressources pétrolières mais plongée dans une obscurité persistante. Alors que les fêtes de fin d’année approchent, l’ambiance est à la grogne, teintée d’un profond sentiment d’injustice. La persistance des coupures d’électricité à Moanda n’est plus seulement une nuisance ; elle est devenue le symbole criant d’une promesse de développement non tenue.
Ce lundi, le Conseil territorial de la jeunesse a sonné la mobilisation. Réunis en urgence, les jeunes leaders ont dressé un bilan sans appel de la situation. Au cœur de leurs préoccupations : le devenir des travaux d’électrification de Moanda, lancés puis visiblement mis en suspens. Ces projets étaient pourtant financés par des fonds spéciaux, issus de l’exploitation pétrolière et gazière locale via l’Avenant 9, un accord signé par le président de la République lui-même. Que sont devenus ces fonds pétroliers de Moanda destinés à sortir la population des ténèbres ? La dissolution récente de la commission chargée de les gérer, suite à des soupçons de détournement et de mauvaise gestion, a créé un vide opaque et inquiétant.
L’impact de ces coupures d’électricité à Moanda dépasse largement l’inconfort. Il frappe de plein fouet l’économie domestique et la santé publique. Les petits commerces qui dépendent d’une chaîne du froid sont asphyxiés. Les ménages voient leurs économies fondre avec la nourriture qu’ils ne peuvent plus conserver. « L’électricité n’est pas un luxe ici, c’est une question de dignité et de survie économique », lance un membre du Conseil territorial jeunesse, refusant de voir sa génération grandir dans l’ombre des derricks. Comment une région qui contribue à la richesse énergétique nationale peut-elle être si cruellement délaissée ? Cette question, brûlante, résume le malaise de toute une jeunesse du Kongo Central en quête de perspectives.
Face à ce blocage, la jeunesse a décidé de passer à l’acte. Le Conseil a acté une décision forte : une descente imminente au cabinet du ministre national des Hydrocarbures, à Kinshasa. L’objectif est double et clair. Premièrement, obtenir des comptes clairs sur les mesures d’accompagnement prévues après la dissolution de la commission. Il s’agit de comprendre comment l’État compte garantir la transparence et la finalisation des projets d’électrification de Moanda. Deuxièmement, et c’est peut-être le point le plus novateur, les jeunes entendent négocier leur implication directe dans la supervision et la poursuite des travaux. Ils ne veulent plus être de simples spectateurs passifs d’un processus qui détermine leur avenir.
Cette initiative marque un tournant. Elle témoigne d’une jeunesse consciente de ses droits et déterminée à les faire valoir, non par la protestation stérile, mais par le dialogue exigeant et la recherche de solutions. L’électrification de Moanda devient ainsi un test crucial. Un test de la capacité de l’État à gérer avec probité les ressources naturelles au profit des populations locales. Un test de sa volonté d’inclure la jeunesse, non comme une force d’appoint, mais comme un partenaire actif dans la construction du développement territorial. La lumière qui manque dans les rues de Moanda doit aussi éclairer les processus de décision et de gestion. L’enjeu dépasse la simple fourniture d’énergie ; il touche à la confiance des citoyens envers les institutions et à l’équité dans le partage des fruits de la terre congolaise. La descente prévue à Kinshasa sera-t-elle le début d’une nouvelle ère de responsabilité et de co-construction pour le Kongo Central ? Toute une province, bien au-delà de la jeunesse, attend la réponse.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
