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RDC : Suspension d’Ekenge et colère de Muyaya révèlent une crise de la parole d’État

Dans un contexte de tensions régionales persistantes et de débats internes sur la souveraineté nationale, deux événements distincts viennent de secouer la sphère politico-médiatique congolaise, mettant en lumière les défis complexes de la communication d’État. D’un côté, l’armée congolaise a dû procéder à la suspension du général Sylvain Ekenge, son porte-parole, suite à des déclarations controversées. De l’autre, le gouvernement se trouve contraint de démêler le vrai du faux après les affirmations d’un haut prélat sur un accord international. Ces épisodes, apparemment disjoints, révèlent en réalité une même fragilité : la difficulté à maîtriser le récit national face aux divisions communautaires et aux suspicions populaires.

La mesure disciplinaire frappant le général-major Sylvain Ekenge n’est pas anodine. Porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), cet officier supérieur a été suspendu de ses fonctions ce lundi par le Chef d’état-major général. La décision, confirmée par plusieurs sources militaires, fait suite à des propos discriminatoires envers la communauté tutsi tenus sur les antennes de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC). Le général y aurait évoqué, selon les comptes-rendus, un prétendu stratagème démographique visant à perpétuer une « suprématie » de cette communauté. Ces déclarations, immédiatement instrumentalisées par Kigali dans le cadre du conflit latent entre la RDC et le Rwanda, ont porté un coup à l’image du pays sur la scène régionale. Le président Félix Tshisekedi, qui a fait de la lutte contre les discriminations un mantra de son mandat, se voit ainsi embarrassé par les paroles incontrôlées d’un haut cadre de son armée. Cette suspension rapide est-elle une simple opération de nettoyage d’image ou marque-t-elle un réel tournant dans la discipline au sein des FARDC ? La question mérite d’être posée tant les discours incendiaires ont parfois été tolérés dans le passé.

Parallèlement, une autre tempête médiatique souffle sur Kinshasa, concernant cette fois l’accord de Washington. Mgr Fulgence Muteba Mugalu, président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et archevêque de Lubumbashi, a, lors de la messe de Noël, lancé un avertissement sévère. Il a présenté le partenariat stratégique signé avec les États-Unis comme un « bradage » des ressources minières du pays pour une durée de 99 ans, sacrifiant selon lui le développement et les générations futures. Ces propos, relayés comme une traînée de poudre, ont forcé le gouvernement à réagir avec célérité. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, est monté au créneau pour une mise au point cinglante. Qualifiant les affirmations de Mgr Muteba de « factuellement fausses », il a démonté point par point l’argumentaire de l’évêque. Il n’existerait, selon lui, ni durée de 99 ans stipulée dans l’accord, ni cession de souveraineté, ni mention explicite de mines. L’accord définirait plutôt des principes pour un partenariat « gagnant-gagnant », où l’État congolais conserverait l’intégralité de ses prérogatives et son droit de veto sur toute proposition contraire à l’intérêt national. La réaction de Patrick Muyaya fut sans appel : « Vous n’avez pas dit la vérité, Mgr Fulgence Muteba ! »

L’analyse de ces deux séquences révèle les lignes de fracture qui traversent la société congolaise. D’un côté, la gestion des relations intercommunautaires, particulièrement sensibles dans l’Est du pays, reste un champ miné où toute parole officielle maladroite peut avoir des répercussions géopolitiques immédiates. La suspension d’Ekenge montre que le pouvoir central entend, au moins en apparence, contrôler les récits discriminatoires qui alimentent le conflit. De l’autre, la méfiance historique vis-à-vis des engagements internationaux et l’exploitation des ressources naturelles resurgit avec force, portée cette fois par une voix respectée de l’Église catholique. La vigoureuse réaction de Patrick Muyaya face aux déclarations de Mgr Fulgence Muteba de la CENCO souligne la volonté du gouvernement de Tshisekedi de garder la main sur la narration concernant ses partenariats stratégiques, perçus comme vitaux pour l’économie et la sécurité.

Quelles sont les implications politiques de ces épisodes ? Pour le chef de l’État, il s’agit de naviguer entre deux écueils. D’abord, maintenir une cohésion nationale et une discipline militaire sans faille, tout en apaisant les communautés. Ensuite, promouvoir des alliances internationales, comme l’accord Washington-Kinshasa, essentielles à sa diplomatie et à son projet économique, tout en désamorçant les critiques qui les présentent comme une nouvelle forme de capitulation. La crédibilité de sa communication est en jeu. La suspension d’un porte-parole militaire pour propos discriminatoires est un signal fort, mais elle interroge sur les processus de contrôle en amont. La réfutation publique des propos d’un évêque influent témoigne d’une certaine agressivité dans la défense de la ligne gouvernementale, mais risque aussi d’être perçue comme une atteinte à la liberté d’expression des leaders religieux.

À l’heure où la RDC doit affronter des défis sécuritaires et économiques colossaux, la maîtrise de la communication officielle devient un enjeu de gouvernance à part entière. Les prochains jours seront cruciaux pour observer si la sanction du général Sylvain Ekenge calme les esprits ou si elle suscite des remous dans l’appareil militaire. De même, il faudra voir si les clarifications sur l’accord avec Washington parviennent à convaincre une opinion publique souvent sceptique. La capacité du gouvernement à unifier le discours national, à la fois en interne et vis-à-vis de l’extérieur, se joue dans ce type de crises apparemment médiatiques, mais profondément politiques. Le président Tshisekedi joue gros sur ces deux tableaux, où chaque parole doit être pesée, car elle peut tout aussi bien consolider que fragiliser son autorité.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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