La suspension administrative du général-major Sylvain Ekenge de ses fonctions de porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a été officialisée ce lundi par le Chef d’état-major général. Cette mesure disciplinaire intervient à la suite d’une intervention médiatique de l’officier supérieur sur les ondes de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), le week-end dernier, au cours de laquelle des propos jugés discriminatoires et stigmatisants à l’encontre de la communauté tutsie ont été tenus. Les déclarations, analysées comme visant à favoriser une prétendue « suprématie » par le biais des naissances sur le territoire national, ont immédiatement suscité une vive polémique et des condamnations.
L’Action citoyenne de lutte contre les discours de haine (ACLDH) a salué, dans un communiqué rendu public ce même lundi, la décision des autorités militaires. Gloire Manesa, porte-parole de l’organisation, a explicitement condamné les paroles « stigmatisantes » proférées le 27 décembre. Toutefois, l’ACLDH a estimé, avec une fermeté notable, que la seule suspension FARDC était insuffisante au regard de la gravité des faits. L’organisation civile a enjoint aux autorités civiles et militaires de poursuivre la procédure en engageant des « sanctions exemplaires », sans exclure le déclenchement de poursuites judiciaires à l’encontre du général Sylvain Ekenge. Cette insistance sur la nécessité d’une réponse pénale potentielle vise, selon ses termes, à prévenir toute récidive dans un contexte sécuritaire de l’Est du pays décrit comme « sensible » et extrêmement volatile.
L’analyse juridique de cette affaire soulève plusieurs interrogations. Une simple mesure administrative interne à l’armée est-elle à la hauteur de la lutte contre les discours de haine RDC ? L’appel de l’ACLDH à des sanctions plus lourdes, voire judiciaires, reflète une préoccupation plus large concernant l’impunité souvent perçue dans de tels cas. Les propos incriminés, qualifiés de discriminatoires, pourraient-ils relever d’infractions prévues par le code pénal congolais, telle que l’incitation à la haine raciale ou ethnique ? La réponse des institutions judiciaires, attendue avec attention par la société civile, sera un indicateur clé de l’engagement de l’État à faire respecter le principe d’égalité et de protection de toutes les communautés.
Le timing de cette affaire n’est pas anodin. Elle survient dans une période où la région des Grands Lacs est en proie à des tensions persistantes, et où toute parole publique, a fortiori venant d’un haut responsable militaire, peut avoir des répercussions inflammatoires sur la cohésion sociale. La suspension du général Sylvain Ekenge apparaît ainsi comme un premier geste de contrôle des autorités hiérarchiques, tentant de circonscrire les dégâts causés par ces propos discriminatoires Tutsis. Cependant, ce geste suffira-t-il à apaiser les craintes et à restaurer la confiance ? La balle est désormais dans le camp de la justice pour déterminer si les faits constituent une violation de la loi justifiant une mise en examen.
Dans son communiqué, l’ACLDH a réaffirmé son engagement fondamental à combattre toutes les formes de discours de haine, rappelant que ces derniers sapent les fondements d’une paix durable. L’organisation a élargi son appel au-delà du cas spécifique, invitant les institutions étatiques, les médias, les leaders d’opinion et l’ensemble des citoyens à une responsabilité accrue. La promotion d’un vivre-ensemble fondé sur le respect mutuel, la justice sociale et l’inclusion est présentée comme l’antidote indispensable aux rhétoriques divisionnistes. Cet appel à la responsabilité collective souligne que la lutte contre la stigmatisation ne peut reposer uniquement sur des sanctions a posteriori, mais doit s’enraciner dans une vigilance constante de tous les acteurs sociaux.
La procédure engagée contre le porte-parole suspendu des FARDC entre maintenant dans une phase d’observation. Les prochains jours diront si les autorités compétentes donneront suite aux réquisitions de la société civile pour des sanctions exemplaires. L’issue de cette affire constituera un précédent significatif dans la manière dont la République démocratique du Congo entend traiter les dérives verbales de ses officiers et lutter efficacement contre les discours qui menacent son tissu social déjà mis à rude épreuve. La crédibilité des mécanismes de reddition des comptes, tant militaires que judiciaires, est ici directement en jeu.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
