Le commandement des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a procédé, lundi, à la suspension de ses fonctions du général-major Sylvain Ekenge, jusque-là porte-parole de l’institution militaire. Cette décision administrative immédiate fait suite à une intervention télévisée du haut gradé sur la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), le weekend dernier, au cours de laquelle des propos jugés discriminatoires et stigmatisants ont été tenus à l’encontre de la communauté tutsie.
Dans un communiqué rendu public ce même lundi, l’organisation Action citoyenne de lutte contre les discours de haine (ACLDH) a salué cette première étape tout en estimant la mesure insuffisante au regard de la gravité des faits reprochés. Gloire Manesa, porte-parole de l’ACLDH, a condamné fermement les déclarations du général Ekenge, considérées comme visant à favoriser une « suprématie » de ce groupe ethnique par le biais des naissances sur le sol congolais. L’organisation civile, engagée dans la promotion du vivre-ensemble, a appelé les autorités civiles et militaires à aller au-delà d’une simple suspension en engageant des « sanctions exemplaires » et, le cas échéant, des poursuites judiciaires à l’encontre de l’officier.
Cette prise de position intervient dans un contexte sécuritaire particulièrement sensible dans les provinces de l’Est de la RDC, où les tensions communautaires sont régulièrement instrumentalisées et peuvent constituer un terreau fertile pour la violence. L’ACLDH a souligné la nécessité impérieuse de prévenir toute récidive de ce type de déclarations inflammatoires, lesquelles menacent directement la cohésion sociale et la paix fragile dans la région. Comment, en effet, espérer une stabilisation durable lorsque des figures d’autorité véhiculent des stéréotypes aussi nocifs ? La responsabilité des institutions et des médias dans la prévention des discours de haine est ainsi clairement pointée du doigt.
La suspension du général Sylvain Ekenge des FARDC, ordonnée par le Chef d’état-major général, représente donc une réaction institutionnelle rapide. Elle démontre une certaine volonté de ne pas laisser impunies des paroles susceptibles d’attiser les divisions. Cependant, le débat est désormais ouvert sur la nature et la sévérité des suites à donner à cette affaire. Faut-il se contenter d’une sanction disciplinaire interne aux armées, ou le caractère public et potentiellement incendiaire des propos justifie-t-il une intervention du système judiciaire ordinaire pour réprimer des incitations à la discrimination et à la haine ?
L’ACLDH réaffirme, par ailleurs, son engagement à combattre toutes les formes de discours de haine, invitant les leaders d’opinion, les médias et l’ensemble des citoyens à une responsabilité accrue. La promotion d’une paix durable, fondée sur le respect mutuel, la justice sociale et l’inclusion, ne peut être dissociée d’une lutte proactive contre les rhétoriques excluantes. Les sanctions de l’ACLDH réclamées contre le général Ekenge s’inscrivent dans cette logique de dissuasion et d’exemplarité.
L’affaire du général Ekenge met en lumière le délicat équilibre à trouver entre la liberté d’expression des responsables militaires et le devoir de réserve qui leur incombe, surtout en période de conflit. Elle interroge également sur les mécanismes de contrôle et de reddition des comptes au sein des FARDC. La suite donnée à ce dossier par les autorités compétentes sera scrutée à la fois par la société civile congolaise et par la communauté internationale, attentive au respect des droits de l’homme et des principes démocratiques en République démocratique du Congo. Les prochains jours diront si la suspension administrative constitue un point final ou simplement un prélude à des mesures plus lourdes de portée judiciaire.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
