La suspension administrative du général-major Sylvain Ekenge de ses fonctions de porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a été saluée par l’Action citoyenne de lutte contre les discours de haine (ACLDH), mais jugée insuffisante au regard de la gravité des propos tenus. Dans un communiqué de l’ACLDH rendu public lundi 29 décembre, l’organisation a fermement condamné les déclarations « stigmatisantes » proférées par l’officier supérieur sur la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) le 27 décembre, visant spécifiquement la communauté tutsie. Gloire Manesa, porte-parole de l’organisation, a estimé que ces propos stigmatisants envers les Tutsis constituaient une violation flagrante des principes de cohésion nationale et un ferment de division dans un contexte sécuritaire déjà extrêmement volatil.
Cette mesure de suspension du général Ekenge, ordonnée le même lundi par le Chef d’état-major général des FARDC, fait suite à une intervention médiatique au cours de laquelle des affirmations discriminatoires ont été formulées. Selon des sources proches du dossier, les propos incriminés visaient à suggérer une « suprématie » de la communauté tutsie par le biais des naissances en République démocratique du Congo, des allégations considérées comme pernicieuses et porteuses de tensions intercommunautaires. Une simple mise à l’écart temporaire est-elle suffisante pour sanctionner de tels écarts de langage de la part d’un haut responsable militaire ? L’ACLDH, dans sa réaction, répond par la négative.
L’organisation citoyenne a en effet exprimé, par la voix de son porte-parole, son insatisfaction face à une sanction purement administrative. Elle réclame l’engagement de « sanctions exemplaires » de la part des autorités civiles et militaires, pouvant aller jusqu’à des poursuites judiciaires. Cette demande s’inscrit dans une logique de prévention de la récidive, particulièrement cruciale dans les provinces de l’Est de la RDC, théâtre de conflits armés récurrents où les discours identitaires peuvent attiser les violences. La lutte contre les discours de haine en RDC requiert, selon l’ACLDH, des réponses fermes et dissuasives de la part de l’État de droit.
Le porte-parole des FARDC se retrouve ainsi au centre d’une polémique qui dépasse le cadre strictement disciplinaire pour toucher à l’éthique militaire et au vivre-ensemble. Les Forces armées, pilier de la souveraineté nationale, sont tenues à un devoir d’exemplarité et de neutralité, a fortiori dans leurs communications publiques. La tenue de propos répréhensibles par l’un de ses principaux représentants questionne les mécanismes de contrôle et de responsabilisation en vigueur au sein de l’institution. Faut-il y voir un symptôme d’une banalisation des rhétoriques excluantes dans l’espace public congolais ?
Par ailleurs, l’ACLDH a réaffirmé son engagement constant à combattre toutes les formes de discours de haine, quelles que soient leurs origines. L’organisation a lancé un appel solennel aux institutions de la République, aux médias, aux leaders d’opinion et à l’ensemble des citoyens à faire preuve de la plus grande responsabilité. La promotion d’une paix durable, fondée sur le respect mutuel, la justice sociale et l’inclusion, exige une vigilance collective face aux mots qui divisent. Les médias, en particulier, sont invités à un traitement éditorial rigoureux, évitant toute amplification ou diffusion de contenus incendiaires.
Sur le plan juridique, la situation du général Ekenge pourrait évoluer vers une mise en examen si les autorités judiciaires décidaient de se saisir de l’affaire. Le code pénal congolais réprime en effet les actes et propos discriminatoires et incitatifs à la haine. L’ouverture d’une information judiciaire, sur réquisition du parquet, permettrait d’établir les circonstances et la portée exactes des déclarations litigieuses, et le cas échéant, de prononcer des sanctions pénales à la hauteur de la faute commise. La balle est désormais dans le camp des procureurs, qui devront évaluer si les faits dénoncés constituent une infraction pénale.
Cette affaire intervient dans un climat politique et sécuritaire tendu, où la gestion des diversités ethniques reste un défi majeur pour la stabilité du pays. La suspension du général Ekenge par le haut commandement militaire envoie un signal, certes, mais que va-t-il suivre ? Les prochains jours seront déterminants pour observer si les appels à des sanctions plus lourdes seront entendus. La crédibilité de la lutte contre les discours de haine en RDC passe par une application stricte et impartiale de la loi, sans égard pour le rang ou la fonction des personnes impliquées. L’ACLDH, par son communiqué, aura au moins réussi à placer ce principe au cœur du débat public.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
