Dans le paysage politique congolais où les alliances se tissent et se défont au gré des intérêts, l’intervention de Christophe Mboso Kodia, autorité morale de la Convention pour la République et la Démocratie (CRD), auprès des notables de Kinshasa revêt une signification stratégique particulière. À l’orée de l’année 2026, cette rencontre, bien plus qu’un simple échange de vœux, apparaît comme une opération de consolidation du front interne, une manœuvre visant à verrouiller le soutien de la capitale au pouvoir en place.
Le message du deuxième vice-président de l’Assemblée nationale était clair et sans ambiguïté : il s’agit de mobiliser l’influence des notables kinois pour soutenir l’initiative de paix du gouvernement. Mais derrière cette exhortation à la paix se cache un impératif plus immédiat : la protection des institutions et, de manière explicite, celle du Président Félix Tshisekedi. Mboso Kodia n’a pas fait dans la subtilité, enjoignant ses interlocuteurs de « veiller sur la capitale » et de se « désolidariser des personnes malveillantes ». Un langage qui, sous couvert d’appel à l’unité, dessine les contours d’une loyauté attendue, voire exigée, en ces temps de tensions régionales.
L’analyse de cette prise de parole révèle une stratégie à plusieurs niveaux. D’une part, elle ancre le parti CRD comme un pilier fidèle du régime, avec son leader, Christophe Mboso Kodia, en garant de cette allégeance. D’autre part, elle instrumentalise la notion de paix, objectif consensuel par excellence, pour rallier une catégorie sociale influente. Le discours se double d’une mise en garde contre les « nuisances » potentielles, un terme suffisamment vague pour couvrir toute forme d’opposition ou de dissidence, consolidant ainsi un narratif où soutenir le pouvoir équivaudrait à défendre la nation.
Le soutien au Président Félix Tshisekedi est présenté comme indissociable de la lutte pour « restaurer la paix » face au Rwanda. Cette équation politique habile lie la popularité du chef de l’État à un enjeu de sécurité nationale majeur, rendant toute critique potentiellement suspecte. La présence et les propos de Samuel Mbemba, autre cadre du CRD, sont venus renforcer ce message. En rappelant le « bien-fondé de l’initiative » et en mettant en avant des réalisations symboliques – comme la présidence de l’Assemblée nationale confiée à un originaire du Kwango et le désenclavement de Camp Luka –, le parti ancre sa légitimité dans des actions concrètes et une représentation provinciale. N’est-ce pas là une manière astucieuse de rappeler la dette politique et de s’assurer du maintien d’un capital électoral précieux ?
Cette réunion, présentée comme une démonstration de « loyauté, fidélité et engagement », s’apparente en réalité à une session de mobilisation politique ciblée. Elle souligne l’importance cruciale que Kinshasa, centre névralgique du pays, représente dans l’équation du pouvoir. En appelant les notables à être des sentinelles, Christophe Mboso Kodia ne fait pas que les flatter ; il les enrôle dans un dispositif de surveillance et de soutien actif au régime. La initiative paix RDC devient ainsi le prétexte d’une consolidation du pouvoir, où la ligne entre défense nationale et soutien politique personnel devient délibérément floue.
Quelles sont les implications de ce ralliement affiché ? Pour le parti CRD, il s’agit d’une assurance sur son influence future au sein de la majorité présidentielle. Pour Félix Tshisekedi, c’est la sécurisation d’un bastion capital, essentiel en période de défis sécuritaires à l’Est. Cependant, ce type de mobilisation, qui fusionne allégeance politique et patriotisme, pose question. Réduit-elle l’espace démocratique en diabolisant toute divergence ? Le véritable enjeu, au-delà des déclarations de soutien, résidera dans la capacité de cette alliance à traduire les promesses de paix en résultats tangibles pour une population lasse des conflits. La loyauté des notables Kinshasa a un prix ; elle s’évaluera à l’aune des progrès concrets sur les multiples fronts évoqués.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
