Dans la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, l’inflation galopante transforme le simple acte d’achat en un véritable parcours du combattant pour des milliers de familles. Les prix des produits de première nécessité, du poisson aux céréales, ont connu une hausse vertigineuse, creusant un fossé abyssal entre l’offre apparente sur les étals et la capacité réelle des consommateurs. Cette situation, symptôme d’une crise économique plus large qui frappe la région, interroge sur les mécanismes de régulation et l’avenir du pouvoir d’achat des ménages congolais. Comment une économie locale peut-elle résister à une telle pression sur les prix ?
Le marché central de Bunia, baromètre traditionnel de l’économie locale, offre un spectacle contrasté. D’un côté, une abondance de denrées : poissons frais et salés, viande, légumes variés et sacs de farine s’empilent. De l’autre, des visages préoccupés, des mains qui fouillent les poches avant de renoncer. Virginie Mpondela, ménagère, résume ce sentiment d’impuissance : « Aujourd’hui, avoir dix dollars américains en poche pour faire les courses, ce n’est rien. C’est comme si on avait un simple papier entre les mains. On ne peut presque rien acheter. » Cette perception est corroborée par les chiffres : le kilogramme de poisson capitaine, aliment de base, se négocie désormais entre 22 000 et 23 000 francs congolais, une somme qui représentait il y a quelques mois à peine l’achat de bien plus. Cette inflation Bunia n’est pas une simple abstraction statistique ; elle se mesure au nombre de foyers contraints de modifier profondément leur panier alimentaire.
Comment expliquer une telle flambée des prix produits première nécessité RDC ? Les acteurs sur le terrain invoquent plusieurs facteurs. Pour Ucircan Rotong, revendeur de poisson salé, la racine du mal est la raréfaction de la marchandise au niveau des zones de pêche, notamment sur le lac Albert. Les circuits d’approvisionnement, fragilisés par l’insécurité et les difficultés logistiques chroniques dans l’Ituri, peinent à répondre à la demande, tirant mécaniquement les cours vers le haut. Cette rareté artificielle alimente une spirale inflationniste préjudiciable à tous, des producteurs aux consommateurs finaux.
Une autre lecture, plus monétaire, est avancée par Upenji Walker, président des revendeurs de poisson salé à Bunia. Il souligne l’impact de la fluctuation du taux de change entre le dollar américain et le franc congolais. « Avant, quand le dollar était à 2 900 francs, le kilo du capitaine coûtait 7,5 ou 8 dollars. Aujourd’hui, avec l’appréciation du franc, ces 8 dollars font environ 20 000 francs. Les prix n’ont donc pas vraiment changé en dollars, mais la population a l’impression que tout est devenu cher. » Cette analyse met en lumière un phénomène complexe : l’érosion du pouvoir d’achat ménages Congo peut être masquée par des dynamiques de change, mais ses effets sont bien réels. Lorsque la monnaie locale gagne en valeur nominale sans que les salaires ne suivent, le consommateur perd en capacité d’achat. Le revenu réel, cette valeur qui compte véritablement, s’effrite comme un sable mouvant.
Au-delà des débats sur les causes, les conséquences de cette crise économique Ituri sont déjà tangibles et dramatiques. Pour s’adapter, de nombreuses familles ont drastiquement réduit leur consommation. Le nombre de repas quotidiens passe de trois à deux, voire un. La composition des assiettes évolue, avec une part plus grande de produits de substitution moins chers mais souvent moins nutritifs. Cette situation frappe de plein fouet les couches les plus vulnérables de la population, compromettant la sécurité alimentaire et la cohésion sociale. Le marché central Bunia, lieu d’échanges par excellence, devient le théâtre silencieux d’une détresse grandissante, où chaque achat est une négociation douloureuse avec la réalité économique.
Face à cette situation intenable, l’appel aux autorités se fait pressant. Les habitants réclament une intervention pour réguler les prix et protéger le pouvoir d’achat. Mais quelles mesures concrètes peuvent être prises ? Une stabilisation du taux de change, une sécurisation des axes d’approvisionnement pour lutter contre la rareté, ou des subventions ciblées sur les produits essentiels sont autant de pistes évoquées par les observateurs économiques. Sans action coordonnée, le risque est de voir s’installer une stagnation économique, où la faible consommation freine la production et l’investissement, créant un cercle vicieux difficile à briser. La crédibilité des politiques publiques est ici directement mise à l’épreuve.
À moyen terme, la résilience de l’économie locale sera testée. Le secteur informel, dominant à Bunia, peut-il absorber de tels chocs ? La diversification des sources de revenus et le développement de circuits courts pourraient offrir des parades partielles. Cependant, dans un contexte régional marqué par l’instabilité, la voie vers une stabilisation des prix et une reprise du pouvoir d’achat reste étroite. L’épisode actuel sert de rappel cruel : sans une maîtrise de l’inflation et une politique économique inclusive, la croissance, même lorsqu’elle est enregistrée sur le papier, ne se traduit pas en bien-être pour la population. L’urgence est donc à une réponse structurée, qui dépasse la simple observation pour enclencher des mécanismes de protection concrets pour les ménages de l’Ituri et au-delà. La question fondamentale demeure : comment reconstruire un pont entre une économie en apparence dynamique et le quotidien de ceux qui la font vivre ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
