La scène politique congolaise est traversée par un appel à l’unité qui ressemble à un ultime recours. Le sénateur Salomon Idi Kalonda, figure influente, a choisi la tribune de son compte X pour lancer un cri du cœur, ou peut-être un ultimatum citoyen, à la veille des célébrations du sixième anniversaire du parti Ensemble pour la République. Dans un contexte où les divisions semblent être la règle, son message appelle à un sursaut collectif. « Les circonstances exceptionnelles que traverse la RDC appellent des initiatives inédites et courageuses », a-t-il martelé, établissant un parallèle saisissant entre la ferveur nationale autour des Léopards et l’apathie présumée face aux défis politiques. Ce rappel à l’ordre, teinté d’une pointe de frustration, sonne comme une critique implicite de l’incapacité des élites à transcender les clivages pour le salut national.
Mais sur quoi se fonde cet appel ? Salomon Idi Kalonda réagissait directement aux propos tenus par Moïse Katumbi, le président de la formation politique, lors de la commémoration de son parti. Katumbi, dans une allocution qui se voulait à la fois bilan et feuille de route, a placé le dialogue inclusif au centre de toute issue de crise. Sa proposition est précise, presque technique, visant à structurer un échange sous l’égide de la CENCO-ECC et associant gouvernement, opposition politique non armée, et société civile. Cette formulation, en incluant explicitement certains acteurs et en en omettant d’autres, n’est pas neutre. Elle dessine les contours d’une négociation dont les règles du jeu sont déjà en discussion, posant la question fondamentale : un dialogue peut-il être véritablement inclusif si ses participants sont pré-désignés ?
La stratégie de Moïse Katumbi semble se déployer sur deux fronts. D’un côté, l’appel au dialogue, brandi comme l’unique « voie crédible ». De l’autre, l’annonce de la mise en place d’un directoire national et un appel à une « mobilisation pacifique » pour la liberté et la démocratie. Ce double mouvement est révélateur d’une tension interne à l’opposition : poursuivre la voie institutionnelle tout en préparant une structuration et une mobilisation de terrain. Joue-t-il la carte de la pression constructive, ou prépare-t-il le terrain à une confrontation plus marquée ? La conviction qu’il exprime – « le changement reste possible » – sert à la fois de mot d’ordre à ses partisans et de message à l’adresse du pouvoir en place, lui rappelant que l’alternative se construit.
L’écho entre le message de Kalonda et la position de Katumbi n’est certainement pas un hasard. Il révèle une tentative de cadrage narratif où Ensemble pour la République se présente non seulement comme une force d’opposition, mais comme le catalyseur d’une union nationale salvatrice. En invoquant l’exemple des Léopards, Kalonda fait appel à un sentiment patriotique qui transcende la politique politicienne. Mais cette analogie est-elle pertinente ? La ferveur sportive, aussi intense soit-elle, est par nature éphémère et apolitique. Transposer cette énergie dans le champ complexe et conflictuel de la crise politique RDC, où les intérêts sont profondément ancrés, relève-t-il de l’optimisme ou de la naïveté ?
La balle est désormais dans le camp des autres acteurs. Le pouvoir en place recevra-t-il cet appel au dialogue comme une ouverture ou comme une manœuvre ? Les autres factions de l’opposition et la société civile souscriront-elles à la feuille de route proposée par Katumbi, notamment à la médiation de la CENCO-ECC ? Les déclarations de ces derniers jours ont le mérite de remettre la question du dialogue inclusif RDC au cœur de l’agenda politique. Cependant, elles laissent en suspens les questions les plus épineuses : les sujets tabous seront-ils sur la table ? Les concessions douloureuses seront-elles envisagées ?
En définitive, l’appel lancé par Salomon Idi Kalonda et porté par Moïse Katumbi représente moins une solution immédiate qu’un test de volonté politique. Il mesure la capacité de la classe politique congolaise toute entière à prioriser la survie de la nation sur les calculs à court terme. L’histoire jugera si cet épisode fut le prélude à un véritable sursaut ou simplement une nouvelle ritournelle dans le long chant des discordes congolaises. La suite dépendra de la traduction de ces belles paroles en actions concrètes et en compromis audacieux. Le pays, miné par une crise multiforme, attend plus que des discours ; il attend des actes qui redonnent foi en l’avenir commun.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
