Dans un contexte où la République Démocratique du Congo (RDC) est aux prises avec des défis sécuritaires, politiques et économiques, les appels à l’union nationale et au dialogue refont surface avec insistance. Le sénateur Salomon Idi Kalonda a lancé, jeudi 25 décembre, un vibrant plaidoyer sur la plateforme X, enjoignant ses concitoyens à transcender leurs divisions pour affronter les problèmes structurels qui rongent le pays. Cette déclaration, loin d’être un simple vœu pieux, intervient dans un moment politique charnière, au lendemain de la commémoration du sixième anniversaire du parti Ensemble pour la République. La convergence des discours autour de l’unité et du dialogue, portée par des figures majeures de l’opposition, soulève une question fondamentale : cette rhétorique peut-elle se muer en une feuille de route concrète pour sortir le pays de l’ornière ?
L’appel de Salomon Idi Kalonda, conseiller spécial de Moïse Katumbi, s’appuie sur un argumentaire simple mais percutant. « Si nous, Congolais, sommes capables de nous rassembler derrière les Léopards, nous devrions l’être, a fortiori, pour régler les problèmes très graves du pays », a-t-il souligné. Cette analogie avec l’équipe nationale de football n’est pas anodine ; elle cherche à puiser dans un sentiment patriotique transcendant les clivages. Toutefois, cette invocation de l’unité sportive en miroir de l’unité politique révèle, avec une pointe d’ironie, la difficulté à mobiliser la même ferveur pour des enjeux autrement plus complexes que ceux d’un terrain de football. La formule, quoique efficace sur le plan communicationnel, souligne le fossé entre une mobilisation émotionnelle ponctuelle et l’engagement soutenu qu’exigerait la résolution d’une crise multiforme en RDC.
La déclaration du sénateur Kalonda fait directement écho aux propositions formulées la veille par le président d’Ensemble pour la République, Moïse Katumbi. À l’occasion de l’anniversaire de son parti, ce dernier a posé les bases de ce qu’il présente comme la « seule voie crédible » : un dialogue inclusif associant gouvernement, opposition politique non armée, les groupes armés comme l’AFC/M23, et la société civile, le tout sous la médiation de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo et de l’Église du Christ au Congo (CENCO-ECC). Cette proposition de dialogue politique en RDC, ambitieuse dans son architecture, vise explicitement à désamorcer la crise multiforme qui paralyse le pays. Mais, au-delà des déclarations d’intention, le diable se niche dans les détails. Qui fixera l’agenda de ce dialogue ? Quelles garanties seront offertes aux participants, notamment aux groupes armés ? La réponse à ces questions déterminera la crédibilité même de l’initiative.
Le leader d’Ensemble pour la République ne s’est pas arrêté à la simple suggestion d’un forum. Il a annoncé la mise en place d’un « directoire national », une structure dont les contours précis restent encore flous, mais qui semble vouloir incarner une forme de pilotage politique élargi en attendant des échéances électorales. Couplé à un appel à une « mobilisation pacifique pour la liberté, la démocratie et la dignité humaine », ce double mouvement – structuration interne et appel à la rue – dessine une stratégie à deux faces. D’un côté, une offre institutionnelle de dialogue ; de l’autre, une pression populaire. Moïse Katumbi joue ici un jeu d’équilibriste, tentant de maintenir sa formation dans un cadre politique légaliste tout en capitalisant sur un mécontentement social grandissant. La réussite de cette approche dépendra de sa capacité à canaliser les énergies sans verser dans la confrontation ouverte avec le pouvoir en place.
L’insistance sur un dialogue sous l’égide de la CENCO-ECC n’est pas non plus un hasard. L’Église jouit d’un capital de confiance relativement préservé auprès de la population congolaise, contrairement à de nombreuses institutions politiques. Confier le parrainage du dialogue à cette instance revient donc à chercher un garant moral et neutre, en théorie du moins. Toutefois, cette médiation religieuse peut aussi servir à légitimer un processus dont les conclusions seraient, à l’avance, difficiles à faire accepter par toutes les parties. La crise multiforme en RDC, avec ses dimensions sécuritaire à l’Est, économique et de gouvernance, exige des compromis douloureux. Le pari de Katumbi et, par extension, de Salomon Idi Kalonda, est que ce cadre de dialogue pourra les produire. Mais l’histoire récente des dialogues en RDC est émaillée d’échecs et de résultats mitigés, ce qui nourrit un scepticisme légitime.
Au final, ces appels répétés à l’unité et au dialogue politique en RDC traduisent-ils une réelle volonté de trouver une issue négociée à la crise, ou ne sont-ils qu’une manœuvre tactique dans le jeu politique congolais ? La conviction affichée par Moïse Katumbi – « le changement reste possible » – sonne comme un mantra pour galvaniser sa base. Pour qu’elle se concrétise, il faudra que ces discours dépassent le stade des déclarations sur les réseaux sociaux et des commémorations partisanes. La mise en place effective du directoire national d’Ensemble pour la République et sa capacité à fédérer au-delà de son cercle habituel seront des premiers tests. La balle est désormais aussi dans le camp du pouvoir, dont la réaction à ces propositions de dialogue sera scrutée. Dans un pays où la défiance est érigée en système de gouvernance, le chemin vers un dialogue inclusif et crédible semble aussi long que périlleux. L’unité invoquée par Kalonda, si elle est nécessaire, apparaît aujourd’hui comme le plus grand des défis.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
