Dans la pénombre des premières lueurs matinales, tandis que la brume accroche encore ses voiles aux collines du Nord-Kivu, une lumière d’un autre ordre s’allume dans le cœur de Beni. Ce jeudi 25 décembre 2023, la ville, meurtrie par des années de conflits, se pare d’une espérance tangible. Les portes des églises catholiques s’ouvrent grandes, accueillant un flot de fidèles dont les pas pressés résonnent comme un mantra de résilience. Pour ces chrétiens catholiques de la RDC, la célébration de la Nativité dépasse le simple rituel religieux ; elle devient un acte de foi profond, une affirmation têtue de la vie face à l’adversité.
L’air est chargé d’une ferveur particulière, mélange de cantiques entonnés d’une voix forte et de prières murmurées avec une intensité qui va droit à l’âme. « Malgré les atrocités, comme nous commémorons la venue de Jésus-Christ, nous aurons toujours la paix », confie Jonathan Musibao, un ancien de paroisse, résumant d’une phrase l’état d’esprit de toute une communauté. Son témoignage, porté par une conviction inébranlable, fait écho dans chaque recoin de la ville. Ici, l’espérance n’est pas un vœu pieux, mais un carburant quotidien. Les célébrations de Noël Beni 2023 se dessinent ainsi comme une oasis de spiritualité où se reconstruisent, le temps d’une messe, les fragments d’une sérénité perdue.
Au-delà des murs des sanctuaires, la métamorphose est aussi visuelle. Certaines paroisses ont revêtu de nouvelles parures, échangeant les décors habituels contre des tentures aux couleurs vives, des guirlandes lumineuses et des crèches élaborées. Ces transformations ne sont pas qu’esthétiques ; elles symbolisent un renouveau intérieur, un désir de fêter la naissance du Messie dans la beauté, malgré un contexte souvent marqué par la laideur de la violence. Des activités festives et culturelles ponctuent la journée, créant des ponts entre la tradition sacrée et l’expression communautaire, entre la louange et la joie simple de se retrouver.
Cette ferveur collective n’aurait peut-être pas été possible sans l’ombre portée d’un dispositif sécuritaire important, déployé en toile de fond dans toute la ville. La présence des forces de l’ordre, discrète mais palpable, a offert un espace de respiration. Elle a permis à la population de veiller toute la nuit de Noël, de participer aux offices sans ce sentiment d’étau permanent qui ronge trop souvent le quotidien. Cette sécurité retrouvée, même temporaire, est un élément crucial. Ne permet-elle pas de rêver, l’espace d’une célébration, à un avenir différent ? Les chrétiens catholiques RDC, et particulièrement ceux de Beni, semblent répondre par l’affirmative, transformant leur prière en un puissant plaidoyer pour la paix Nord-Kivu.
Que représente donc cette célébration Noël Congo dans un tel contexte ? Bien plus qu’une date sur un calendrier liturgique. Elle est un acte de résistance culturelle et spirituelle. Chaque chant entonné, chaque prière partagée, chaque main serrée dans la foule dense d’une église est un défi lancé à l’instabilité. La communauté puise dans le récit de la Nativité – celle d’une lumière naissant dans l’obscurité – une métaphore parfaite de sa propre condition. L’espoir exprimé par les fidèles n’est pas naïf ; il est forgé dans l’épreuve et cimenté par une foi qui a su résister à la tempête.
Alors que retombent les échos des dernières louanges, une question persiste, lancinante : cette parenthèse de paix et de ferveur peut-elle s’inscrire dans la durée ? Les festivités de Beni laissent entrevoir une possibilité, fragile mais réelle. Elles démontrent que même sur une terre fracturée, le besoin de croire, de célébrer et de vivre en sécurité reste une pulsion fondamentale. La nuit de Noël à Beni n’a pas seulement été veillée ; elle a été habitée, remplie d’une espérance collective qui, peut-être, porte en germe les contours d’une paix plus durable pour le Nord-Kivu.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
