Dans une province minée par des crises de gouvernance à répétition, le gouverneur du Maniema, Moïse Moussa, a choisi la tribune d’une conférence de presse, jeudi 25 décembre à Kindu, pour porter un démenti cinglant aux accusations de détournement de fonds de rétrocession. Face aux journalistes, le chef de l’exécutif provincial a présenté ces allégations comme une manœuvre politique délibérée, destinée à saper son autorité et à entacher sa réputation. Cette sortie publique, loin d’être anodine, s’inscrit dans le contexte d’une crise politique aiguë au Maniema, où les luttes intestines au sommet de l’État provincial menacent de paralyser l’action gouvernementale.
Le cœur des accusations, portées par l’ancien vice-gouverneur Corneille Katisamba, concerne le détournement présumé de fonds de rétrocession alloués par le pouvoir central. Dans une correspondance devenue publique, Katisamba affirmait que le gouvernement provincial aurait détourné l’équivalent de dix mois de versements. Une charge que Moïse Moussa a qualifiée d’« infondée » et de « mensongère ». Selon le gouverneur, ces allégations relèvent d’une méconnaissance volontaire des réalités financières : « Il est connu que, jusqu’à présent, nous n’avons reçu que deux mois de rétrocession, janvier et février derniers », a-t-il martelé, soulignant que le Trésor public n’a effectué que deux transferts depuis le début de l’année. Cette défense repose sur un argument comptable simple, mais son efficacité politique reste à démontrer dans une opinion publique souvent sceptique.
La gestion des finances publiques, et particulièrement des fonds de rétrocession, constitue la pierre angulaire de cette affaire. Moïse Moussa a précisé que la Régie financière du Maniema mobilise actuellement, pour le compte du gouvernement provincial, environ 53% de ses ressources, soit une somme oscillant entre 30 000 et 35 000 dollars américains. Ces chiffres, avancés pour étayer sa bonne foi, visent à contrer le récit d’un détournement à grande échelle. Pourtant, au-delà des débats techniques sur les montants, c’est la crédibilité même des institutions qui est en jeu. Les accusations de corruption, récurrentes dans le paysage politique congolais, trouvent ici un écho particulier dans une province aux ressources convoitées mais aux infrastructures défaillantes.
Cette crise des fonds de rétrocession n’est que la partie émergée d’un iceberg bien plus vaste : une fracture profonde au sein de l’équipe gouvernementale du Maniema. L’origine immédiate de la tempête politique remonte à une motion d’interpellation des députés provinciaux, reprochant au vice-gouverneur Katisamba de ne pas avoir présenté l’édit budgétaire 2026. Cette motion, transformée en motion de déchéance, a conduit à l’éviction de Katisamba, qui depuis, mène une contre-offensive médiatique et judiciaire. En réaction aux déclarations du gouverneur, l’ancien numéro deux a accusé l’Assemblée provinciale de protéger une personne qui aurait détourné plusieurs millions. Le conflit a ainsi basculé dans une guerre ouverte, où chaque camp tente de disqualifier l’autre auprès de la population et des instances de contrôle.
Quelles sont les implications politiques de cette crise du Maniema ? D’abord, elle expose la fragilité des coalitions au pouvoir dans les provinces congolaises, souvent minées par des rivalités personnelles et des conflits d’intérêt. Ensuite, elle risque de détourner l’administration provinciale de ses missions essentielles, au moment où les défis en matière de sécurité et de développement restent immenses. Enfin, cette affaire de détournement de fonds, qu’elle soit avérée ou non, nourrit un sentiment de défiance citoyenne envers la classe politique, affaiblissant le contrat social déjà précaire.
La stratégie de Moïse Moussa, consistant à nier en bloc et à accuser ses détracteurs de mauvaise foi, est-elle tenable à long terme ? Le gouverneur joue gros dans cette affaire, car un échec à convaincre de sa probité pourrait fragiliser durablement sa majorité parlementaire et son autorité morale. Les prochains jours seront déterminants : la pression de la société civile, des médias et, potentiellement, des autorités judiciaires, pourrait contraindre à une enquête approfondie. L’enjeu dépasse la simple personne du gouverneur ; il s’agit de la capacité de la province du Maniema à assurer une gestion transparente et accountable de ses ressources, condition sine qua non de toute stabilité et de tout développement futur. Dans ce jeu d’échecs politique, chaque mouvement est scruté, et la prochaine étape pourrait bien être judiciaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
