À l’occasion des festivités de fin d’année, le gouverneur militaire de l’Ituri, le général Johnny Luboya N’kashama, a adressé un message à la province, mêlant traditionnels vœux de Noël et solennel appel à l’engagement collectif. Ce discours, teinté de patriotisme et d’exhortations à l’unité, intervient dans un contexte singulier : celui d’un état de siège prolongé, dont le bilan officiel se veut globalement positif malgré des défis sécuritaires et humanitaires qui persistent. Le gouverneur militaire joue ici un rôle crucial, tentant de transformer une mesure d’exception en levier pour la paix et le développement en Ituri. Mais au-delà des déclarations d’intention, quel est le véritable état des lieux de cette stratégie sécuritaire ?
Dans son message de Noël, Johnny Luboya a dressé un tableau en demi-teinte de la situation provinciale. D’un côté, il a salué les « progrès significatifs » enregistrés, notamment dans la restauration de l’autorité de l’État et le retour progressif des populations civiles dans leurs milieux d’origine. Ces avancées, présentées comme le fruit de la résilience des forces armées et de la collaboration avec la population, semblent constituer le principal argument pour justifier le maintien du régime spécial. Par la voix de son porte-parole, le lieutenant Jules Ngongo, l’autorité provinciale a mis en avant la mise en œuvre de « plusieurs projets socio-économiques » à travers l’Ituri, suggérant une volonté de dépasser la seule dimension répressive de l’état de siège.
Pourtant, la reconnaissance même des « défis sécuritaires et humanitaires persistants » par le gouverneur militaire Johnny Luboya vient tempérer cet optimisme affiché. Cette concession, aussi nécessaire soit-elle, soulève une question fondamentale : l’état de siège, conçu comme une réponse radicale à l’insécurité, atteint-il ses objectifs initiaux ? La rhétorique officielle met l’accent sur la consolidation des acquis et la construction d’un avenir meilleur, mais la population iturienne peut légitimement s’interroger sur la durée de cette mesure et sur sa capacité réelle à engendrer une paix durable. L’appel répété à l’unité et au patriotisme ne risque-t-il pas de sonner creux si les racines des conflits ne sont pas traitées ?
La stratégie politique sous-tendant le discours du gouverneur militaire est transparente : il s’agit d’associer la population à l’effort de sécurisation, de faire de l’adhésion civique un pilier du dispositif. En exhortant les Ituriens à « revêtir le sens du patriotisme » et à s’unir autour de l’idéal de paix, Johnny Luboya tente de créer un front commun face à l’adversité. Cette approche, qui mise sur la cohésion sociale, est classique dans les contextes post-conflit. Cependant, elle place une lourde responsabilité sur les épaules des citoyens, tandis que les institutions demeurent, de fait, militarisées. Le pari est audacieux : convertir une gouvernance d’exception en un projet collectif de développement.
À l’aube de l’année 2026, l’exhortation finale du gouverneur à « bâtir un Ituri stable, prospère et résolument tourné vers l’avenir » résonne comme une promesse autant que comme un avertissement. Les prochains mois seront décisifs pour évaluer la trajectoire de la province. La consolidation des acquis de l’état de siège en Ituri passera-t-elle par son assouplissement et un retour progressif à une administration civile, ou au contraire par son approfondissement ? La réponse à cette question dépendra de la capacité des autorités à transformer les paroles en actes concrets, notamment en matière de justice, de réconciliation et de relance économique. L’appel à l’unité lancé par Johnny Luboya est un prérequis nécessaire, mais il est loin d’être suffisant. La communauté internationale et les acteurs nationaux observeront avec attention si le patriotisme invoqué se traduit par des améliorations tangibles dans le quotidien des Ituriens, ou s’il reste confiné au domaine du discours politique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
