La tradition annuelle du message de vœux du couple présidentiel congolais a pris, cette année, des allures de discours de circonstance en période de crise. Ce mercredi 24 décembre, Félix Tshisekedi, flanqué de son épouse Denise Nyakeru, a adressé à la nation un plaidoyer pour la cohésion nationale, teinté d’hommages appuyés. Le président a-t-il trouvé dans ce rituel républicain un exutoire face aux pressions sécuritaires croissantes qui pèsent sur son mandat ?
Le cœur du propos du chef de l’État s’est porté, sans grande surprise, vers l’Est du pays. Félix Tshisekedi a tenu à saluer le courage des « populations de l’Est sous occupation », des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et des combattants volontaires communément appelés « Wazalendo ». Cet hommage à triple détente vise clairement à consolider un narratif patriotique autour de la défense de l’intégrité territoriale de la RDC. Le choix des mots est significatif : « se battre pour défendre » inscrit l’action militaire dans une logique défensive et légitime, une rhétorique essentielle pour rallier l’opinion publique nationale et internationale.
Mais au-delà des formules convenues, ce message de vœux sonne-t-il comme une tentative de réassurance ou l’aveu implicite d’une impasse stratégique ? En invoquant la nécessité d’une cohésion nationale et d’une unité pour un « Congo plus fort », le président semble pointer du doigt les divisions internes qui pourraient fragiliser le front commun face aux adversaires. Cette invocation à l’union sacrée est un classique des discours en temps de trouble, mais elle révèle aussi les fractures que la crise sécuritaire exacerbe au sein du tissu politique et social congolais. La défense de l’intégrité territoriale devient ainsi non seulement une question militaire, mais aussi le ciment d’un patriotisme à construire, ou à reconstruire.
Dans un registre plus compassionnel, la Première dame, Denise Nyakeru, a apporté sa touche au double discours présidentiel. Son appel à garder l’espoir et à faire preuve de solidarité pour « consoler tant soit peu les familles éprouvées » vient contrebalancer la tonalité martial du président. Ce binôme, où l’époux incarne la fermeté étatique et l’épouse l’empathie citoyenne, est une stratégie de communication rodée. Il s’agit de couvrir tout le spectre émotionnel de l’auditoire, de la fermeté nécessaire au réconfort indispensable. Mais cette solidarité invoquée suffira-t-elle à panser les plaies d’une population confrontée quotidiennement à la violence et au déplacement ?
L’accent mis sur les FARDC et les Wazalendo dans ce message de vœux interroge également sur l’évolution du rapport de force sur le terrain. En plaçant sur un même plan d’honneur l’armée régulière et les milices d’autodéfense, le pouvoir de Félix Tshisekedi reconnaît-il, de fait, le rôle incontournable de ces groupes parfois difficilement contrôlables ? Cette légitimation par la parole présidentielle comporte des risques à long terme pour le monopole étatique de la violence légitime. Elle peut être interprétée comme un aveu des limites des FARDC à assurer seules la sécurité des territoires.
Au final, ce message de fin d’année dépasse largement le cadre des simples vœux protocolaires. Il s’apparente à un discours politique de mobilisation, adressé autant à la nation qu’à la communauté internationale. En brandissant l’étendard de l’intégrité territoriale RDC, Félix Tshisekedi replace son action dans une lutte existentielle pour la souveraineté du pays. Reste à savoir si cette rhétorique sera suivie d’initiatives concrètes et efficaces capables de renverser durablement la dynamique conflictuelle à l’Est. L’appel à l’unité, s’il est crucial, ne saurait tenir lieu de doctrine de sécurité. Les prochains mois seront décisifs pour mesurer l’écart entre les mots prononcés dans le confort du palais et la réalité sanglante des collines du Kivu. Le président a posé les bases d’un narratif patriotique ; il lui revient maintenant d’en écrire les chapitres décisifs sur le terrain.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
