Dans un contexte sécuritaire des plus tendus à l’Est du pays, le président de la République, Félix Tshisekedi, a choisi la solennité de la veille de Noël pour adresser un message de vœux à la nation. Aux côtés de son épouse, Denise Nyakeru Tshisekedi, le chef de l’État a délivré un discours où l’hommage aux forces de défense et l’appel à l’union nationale ont occupé le devant de la scène. Ce message présidentiel de Noël, traditionnel exercice de communication, prend cette année une résonance particulière alors que les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri demeurent en proie à une violence persistante. L’occupation d’une partie du territoire national par des groupes armés étrangers et locaux constitue l’arrière-plan incontournable de cette allocution, transformant les vœux en une déclaration politique à haute teneur symbolique.
Le cœur du message de vœux de Félix Tshisekedi a été un vibrant hommage rendu aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux combattants volontaires Wazalendo. Le président a salué leur sacrifice dans la lutte pour la défense de l’intégrité territoriale de la RDC. « Nous pensons à nos frères et sœurs des zones sous occupation, et à tous ceux qui, les armes à la main, défendent chaque pouce de notre sol », a-t-il affirmé, selon des extraits diffusés. Cet hommage ciblé n’est pas anodin. Il intervient à un moment où la cohésion et le moral des troupes sont régulièrement mis à l’épreuve, et où le discours patriotique sert également de ciment face à des opinions publiques parfois sceptiques. En glorifiant le rôle des FARDC et des Wazalendo, le locataire du Palais de la Nation cherche-t-il à ressouder une ligne de front politique autant que militaire ? La question mérite d’être posée, tant la bataille pour la légitimité de l’action gouvernementale se joue aussi sur le terrain de la narration.
Parallèlement, l’appel à la cohésion nationale a constitué le second pilier de l’intervention présidentielle. Félix Tshisekedi a plaidé pour l’unité de tous les Congolais « afin de bâtir un Congo plus fort et plus résilient ». Cet impératif d’union, récurrent dans la rhétorique étatique, sonne comme une réponse aux fractures sociales et aux tensions politiques qui traversent le pays. Cependant, au-delà de l’invocation rituelle, le chef de l’État joue un jeu subtil. En associant la défense du territoire à la nécessité de l’unité interne, il place toute velléité de division ou de critique dans la position inconfortable de fragiliser le front national face à l’ennemi. Une stratégie politique classique, mais qui révèle la sensibilité des enjeux en cette période de fin d’année.
Le message a été notablement marqué par la présence et les mots de la Première dame, Denise Nyakeru. Son intervention, axée sur l’espoir et la solidarité, a apporté une tonalité plus sociale et compassionnelle au discours officiel. En appelant à « consoler tant soit peu les familles éprouvées », elle a touché à la dimension humaine du conflit, souvent absente des déclarations purement stratégiques. Ce duo présidentiel, mêlant fermeté militaire et empathie sociale, esquisse une communication calibrée pour toucher un large public. Mais cet équilibre est-il suffisant pour répondre à l’immensité des attentes des populations directement affectées par la guerre ? L’appel à l’espoir de la Première dame résonnera-t-il dans les camps de déplacés où le désespoir est souvent la seule réalité tangible ?
Au final, ce message présidentiel de Noël s’apparente moins à une simple suite de vœux qu’à un bilan d’étape et une feuille de route implicite. En mettant en avant l’hommage aux FARDC et Wazalendo, Félix Tshisekedi réaffirme la priorité sécuritaire et tente de rallier le soutien populaire autour de l’effort de guerre. Son plaidoyer pour la cohésion nationale au Congo vise, quant à lui, à étouffer dans l’œuf les dissensions internes qui pourraient affaiblir sa position. La performance est bien rodée, mais l’avenir immédiat dira si les paroles prononcées dans le cadre feutré de la présidence peuvent infléchir les dynamiques complexes à l’œuvre sur le terrain. Le véritable test sera la capacité du gouvernement à transformer ces incantations à l’unité et à l’intégrité en actions concrètes et efficaces pour pacifier l’Est et reconstruire le lien social. En attendant, le pays entre dans la nouvelle année avec ce double mantra : résistance militaire et union sacrée, un programme aussi ambitieux que périlleux pour la stabilité du régime.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
