Les rues de Kimvula, habituellement animées par les rires et les chants pendant les fêtes, sont restées étrangement silencieuses ce Noël 2025. Pas de cris de joie d’enfants arborent de nouveaux habits, pas d’odeurs alléchantes de repas de fête s’échappant des cuisines. À la place, un lourd sentiment de résignation plane sur ce territoire du Kongo-Central, où des milliers de familles ont dû renoncer à célébrer, faute de moyens. Ce Noël triste à Kimvula n’est pas un accident du calendrier, mais le symptôme criant d’un enclavement qui asphyxie progressivement toute une communauté. Comment fêter lorsque l’on ne peut même pas se procurer un sac de riz, de l’huile ou un simple vêtement pour ses proches ?
La cause de cette détresse collective est connue de tous et pointée du doigt par les autorités locales elles-mêmes. Vital Lusaku, l’administrateur du territoire, dresse un constat sans appel : l’état déplorable de la route nationale 16 est le principal responsable de cet isolement. Cette artère vitale, longue de près de 200 kilomètres et censée relier Kimvula au territoire de Madimba, est devenue un cauchemar logistique. « En cette saison pluvieuse, même les motos mettent deux jours pour la parcourir », explique-t-il, soulignant l’absurdité de la situation. Le prix du trajet, quant à lui, dépasse allègrement la barre des 100 dollars américains, une somme astronomique pour une population déjà fragilisée par la précarité.
Les conséquences de cet enclavement du Kongo-Central sont palpables au quotidien. Les marchandises ne parviennent plus, ou alors à des coûts exorbitants qui les rendent inaccessibles. Les étals des marchés locaux, traditionnellement garnis en période de fête, sont désespérément vides de produits manufacturés et de denrées de base. Le contraste est saisissant avec d’autres centres urbains du pays où, comme rapporté ailleurs, les supermarchés ont même enregistré une baisse des prix pour stimuler les achats de fin d’année. À Kimvula, l’isolement condamne à la pénurie et renforce un sentiment profond d’abandon. Quelles perspectives pour une jeunesse qui ne voit passer aucun investissement, aucune amélioration de ses conditions de vie ?
Face à cette détresse matérielle et morale, l’appel lancé par l’administrateur Vital Lusaku à « vivre ces moments de fête dans la paix » résonne comme un vœu pieux, voire un paradoxe. Comment maintenir la cohésion sociale et la paix lorsque les frustrations grandissent à mesure que les besoins élémentaires ne sont pas satisfaits ? Les difficultés sociales à Kimvula vont bien au-delà d’un simple mauvais passage saisonnier ; elles révèlent une fracture infrastructurelle qui pérennise la pauvreté et entrave tout développement économique local. L’agriculture, potentiel moteur de la zone, ne peut écouler sa production, scellant le destin d’une économie de subsistance.
Cette situation interpelle sur les priorités nationales en matière d’aménagement du territoire. L’état de la route nationale 16 n’est pas qu’un problème d’ingénierie ; c’est une question de dignité et de droits fondamentaux pour des milliers de Congolais. Le récit de ce Noël triste à Kimvula doit servir de signal d’alarme. Jusqu’à quand les promesses de désenclavement resteront-elles lettre morte ? La paix et la stabilité tant souhaitées par les autorités ne pourront s’installer durablement que sur le fondement d’un accès équitable aux services et aux marchés. Le cas de Kimvula est un miroir tendu à toute la nation : sans infrastructures dignes de ce nom, le développement n’est qu’un leurre, et les fêtes, un rappel douloureux des inégalités persistantes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
