Imaginez un territoire riche en ressources, mais où l’eau courante et l’électricité sont un luxe, où les écoles et les centres de santé tiennent debout par miracle. C’est le paradoxe qui étouffe Walikale, dans le Nord-Kivu, à l’aube de son 72e anniversaire. Alors que cette entité administrative a été créée par ordonnance royale le 17 décembre 1953, ses fils et filles dressent un constat amer : sept décennies d’existence n’ont pas suffi à apporter le développement tant espéré. Pourtant, au lieu de se contenter de déplorer cette situation, ils ont décidé d’écrire eux-mêmes leur avenir avec un projet ambitieux : un plan décennal de développement durable. Mais par où commencer quand tout, ou presque, reste à construire ?
Le diagnostic est sans appel et frappe par son urgence. Dans ce territoire du Nord-Kivu, la précarité est le lot quotidien de milliers de familles. L’accès à l’eau potable est un combat, l’obscurité règne dès la nuit tombée faute de réseau électrique fiable, et les infrastructures scolaires et sanitaires sont dans un état de délabrement avancé. Comment, dans ces conditions, envisager sereinement l’avenir ? Cette question hante les esprits des natifs de Walikale, qui refusent de voir leur terre sombrer dans l’oubli. Leur réponse est un projet structurant, une feuille de route sur dix ans qui vise à transformer radicalement le territoire, en misant principalement sur son potentiel agricole, pourtant immense et largement sous-exploité.
Porté par des figures engagées comme Prince Kihangi, député provincial honoraire du Nord-Kivu, ce plan décennal pour le développement de Walikale place l’agriculture au cœur de la stratégie de renaissance. « On peut se développer uniquement à partir de l’agriculture », affirme-t-il avec conviction. L’objectif est clair : atteindre l’autosuffisance alimentaire dans un délai de dix ans et même devenir exportateur des excédents de production. Le projet ne manque pas d’ambition puisqu’il vise à faire de Walikale un grand producteur d’huile de palme, de cacao et de thé, renouant ainsi avec un âge d’or révolu. « Au bout de dix ans, c’est possible que Walikale soit compté parmi les grands producteurs comme par le passé sous la colonisation belge qui avait développé le thé, le café arabica et robusta dans le territoire », explique Prince Kihangi. Son interrogation est lourde de sens : pourquoi aucune trace de ces cultures caféières n’a survécu au départ du colonisateur, alors que le potentiel pour produire un café de qualité est bien réel ?
Le plan décennal de développement durable pour Walikale ne se contente pas de vagues promesses. Il s’articule autour d’actions concrètes, avec la création d’environ cinq coopératives agricoles viables comme pierre angulaire du dispositif. « C’est à partir de ces coopératives que nous développerons l’agriculture et la pêche », insiste M. Kihangi. Cette approche collective est cruciale pour structurer la filière, mutualiser les moyens et donner aux agriculteurs un pouvoir de négociation sur les marchés. Mais le défi est de taille. Comment bâtir une agriculture moderne et compétitive sans routes en bon état pour évacuer la production, sans énergie pour transformer les récoltes, et sans accès à l’eau pour l’irrigation ? La réhabilitation des infrastructures, notamment routières comme en témoignent des travaux récents, est un préalable absolu à toute ambition de développement économique.
Le retour vers une agriculture prospère n’est pas qu’une simple question économique ; c’est un enjeu de dignité et de souveraineté pour les habitants de Walikale. Peut-on accepter que des terres aussi fertiles ne parviennent pas à nourrir correctement leur population ? La mobilisation des ressortissants, à l’occasion de ce 72e anniversaire, montre une volonté farouche de reprendre en main leur destin. Ils ne veulent plus être les oubliés de la province du Nord-Kivu. Ce plan décennal représente un espoir immense, une feuille de route partagée pour combler enfin le fossé entre les immenses ressources naturelles du territoire et la pauvreté criante de ses habitants.
Alors que Walikale souffle ses 72 bougies en décembre 2025, la célébration prend une saveur particulière, marquée par un mélange de nostalgie pour un passé agricole glorieux et une détermination féroce pour l’avenir. Le succès de ce plan décennal de développement durable pour Walikale dépendra de la mobilisation de tous, des autorités aux simples paysans, et de la capacité à transformer les mots en actes. Si l’engagement se maintient, dans dix ans, on ne parlera plus de Walikale comme d’un territoire enclavé et pauvre, mais peut-être comme du grenier agricole renaissant du Nord-Kivu. L’enjeu dépasse largement les frontières de ce territoire : il interroge la capacité de toute la région à se développer de manière inclusive et durable, en s’appuyant sur ses propres forces. Le compte à rebours de la décennie de transformation est lancé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
