La gestion du secteur des transports en République Démocratique du Congo est une nouvelle fois au cœur d’une tempête politique. Une voix dissonante s’est élevée au sein de l’Assemblée nationale pour réclamer la tête du vice-Premier ministre en charge du portefeuille, Jean-Pierre Bemba. Le député national Christian Mwando Nsimba, président du groupe parlementaire Ensemble, a publiquement exigé, ce mercredi, soit la démission, soit la révocation pure et simple du numéro deux du gouvernement. L’accusation est lourde : une incapacité patente à résoudre les crises chroniques que sont les embouteillages paralysants à Kinshasa et la répétition tragique des naufrages sur les cours d’eau du pays. Cette attaque frontale, portée sur les ondes de Radio Okapi, ne se contente pas de pointer des dysfonctionnements administratifs ; elle vise directement la légitimité politique d’une figure majeure de l’exécutif.
L’élu de Kabalo, dans la province du Tanganyika, ne mâche pas ses mots. Pour lui, la persistance de ces phénomènes n’est pas une simple question de circonstances difficiles, mais le reflet d’une incompétence avérée au sommet du ministère des Transports, des Voies de communication et du Désenclavement. Les embouteillages monstres qui étranglent la capitale congolaise et les drames humains récurrents liés aux naufrages sont érigés en preuves accablantes d’un leadership défaillant. Cette sortie médiatique place Jean-Pierre Bemba dans une position délicate, alors que le gouvernement est régulièrement interpellé sur sa capacité à fournir des services publics de base. Le député Mwando, par sa fonction de chef de groupe parlementaire, donne à sa critique un poids institutionnel non négligeable, transformant une plainte récurrente en un véritable enjeu de responsabilité gouvernementale.
Face à cette offensive, l’administration concernée a immédiatement réagi par la voix de son secrétaire général, Jean-Marie Abolia. Rejetant la critique comme n’engageant que son auteur, il a défendu l’action du ministère. Un travail « jour et nuit » serait en cours pour pallier ces problèmes, avec la recherche de « solutions structurelles ». Cette défense, classique dans l’appareil d’État, cherche à opposer la complexité des dossiers techniques à la simplicité des accusations politiques. Mais cette rhétorique suffira-t-elle à calmer la grogne ? La communication du ministère des Transports RDC semble buter sur un déficit de résultats tangibles aux yeux de la population et de certains représentants. La promesse de solutions à venir peine à masquer l’urgence de la situation sur le terrain, où la colère des usagers et le deuil des familles des victimes de naufrages imposent un rythme différent.
Analysons les implications de cette crise. L’appel à la démission de Jean-Pierre Bemba dépasse le cadre d’une simple querelle politicienne. Il révèle les tensions latentes au sein de la majorité présidentielle et la fragilité des équilibres gouvernementaux face à des défis infrastructurels colossaux. Le ministre joue gros sur ce dossier, car son image d’homme fort pourrait être durablement écornée par l’accumulation d’échecs perçus. Les embouteillages à Kinshasa ne sont pas seulement un problème de circulation ; ils sont devenus un symbole de l’inefficacité de l’État et un terreau fertile pour la critique. De même, chaque nouveau naufrage en RDC rappelle cruellement les carences en matière de sécurité maritime et fluviale, un domaine où la régulation et le contrôle font souvent défaut.
La réaction du secrétariat général du ministère, tout en se voulant rassurante, soulève une question fondamentale : le travail « jour et nuit » est-il orienté vers des réformes profondes ou se limite-t-il à une gestion au jour le jour des crises ? La recherche de solutions structurelles, si elle est sincère, nécessite des arbitrages politiques, des investissements massifs et une volonté de réforme qui semblent jusqu’ici échapper au secteur. La position de Christian Mwando Nsimba, en exigeant un changement à la tête du ministère, sous-entend que le blocage est avant tout politique et managérial. Cette offensive pourrait-elle ouvrir la voie à un remaniement technique, ou n’est-elle qu’un coup d’épée dans l’eau dans le paysage politique congolais ?
Les prochains enjeux sont clairs. D’une part, Jean-Pierre Bemba devra démontrer rapidement des avancées concrètes pour désamorcer la critique et conserver la confiance du chef de l’État. D’autre part, la pression parlementaire, si elle se maintient ou s’amplifie, pourrait obliger le gouvernement à revoir sa copie sur la politique des transports. La crédibilité de l’action publique est en jeu. Les citoyens de Kinshasa, exaspérés par les embouteillages, et les communautés riveraines, meurtries par les naufrages, attendent des actes. La balle est désormais dans le camp de l’exécutif : prouver par les résultats que la défense du secrétaire général n’est pas un simple écran de fumée. L’affaire est donc à suivre, car elle pourrait bien préfigurer d’autres secousses au sein d’un gouvernement confronté à d’immenses attentes populaires.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
