La ville de Kananga, capitale de la province du Kasaï-Central, est confrontée à une crise alimentaire aiguë, avec le prix de la mesurette de maïs, localement appelée meka, qui a plus que doublé en l’espace d’une dizaine de jours seulement. De 2 500 francs congolais, son coût oscille désormais entre 5 000 et 5 500 francs congolais (environ 2.5 USD), une hausse vertigineuse qui met à mal le pouvoir d’achat des ménages et menace la sécurité alimentaire de toute une région. Cette flambée des prix spectaculaire n’est pas un simple ajustement de marché, mais le symptôme d’une rupture profonde dans la chaîne d’approvisionnement, plongeant la population dans l’inquiétude et l’appauvrissement.
Sur le terrain, la réalité est saisissante. Le marché Kamayi, l’un des principaux centres d’approvisionnement de Kananga, présente des tableaux de dépôts quasi vides et des étals désespérément clairsemés. Cette céréale, pourtant considérée comme l’aliment de base incontournable dans l’alimentation locale, se fait rare. « Les dépôts sont vides », confirme un vendeur anonyme, résumant d’une phrase le drame quotidien des commerçants et des consommateurs. Comment une telle pénurie de maïs à Kananga a-t-elle pu s’installer aussi brutalement ? L’explication ne se trouve pas dans un effondrement de la production agricole, mais bien dans l’asphyxie des voies de communication.
Selon les acteurs économiques sur place, dont la commerçante Henriette Mwawuke, la racine du mal est infrastructurelle. La dégradation avancée de la voie ferrée dans le territoire de Demba, couplée au mauvais état critique des routes de desserte agricole, a paralysé le transport des marchandises. Ces artères économiques, vitales pour l’acheminement des denrées des zones de production vers les centres de consommation urbains comme Kananga, sont aujourd’hui impraticables pour les camions et gros véhicules. Le ravitaillement repose désormais sur le courage de « transporteurs à vélo », dont la capacité logistique est naturellement limitée et incapable de répondre à la demande d’une ville entière. Cette rupture logistique crée une rareté artificielle qui, mécaniquement, tire les prix vers des sommets inaccessibles.
Les conséquences économiques et sociales de cette crise alimentaire au Kasaï-Central sont immédiates et lourdes. Pour les ménages, le budget alimentaire, déjà serré, explose. Rose Mputu, une habitante venue faire ses courses, témoigne de la désorganisation totale de sa gestion financière : « Je suis venue avec l’idée d’acheter trois mekas, cependant, je trouve un meka à 5 500 francs. Le calcul est déjà perturbé. » Cette inflation ciblée sur un produit de première nécessité agit comme une taxe invisible sur les plus pauvres, réduisant drastiquement leur reste à vivre pour d’autres besoins essentiels comme la santé, l’éducation ou le logement. Le risque d’une aggravation de la malnutrition, particulièrement chez les enfants, devient palpable.
Face à cette urgence, la colère et l’appel à l’aide montent parmi la population. Les regards et les attentes se tournent vers les autorités politico-administratives provinciales. La demande est claire : une intervention urgente pour rétablir la circulation des biens. La solution technique est connue – la réhabilitation des infrastructures – mais sa mise en œuvre semble bloquée. La situation actuelle à Kananga est un cas d’école des conséquences économiques délétères du délabrement des infrastructures en République Démocratique du Congo. Elle illustre comment un déficit d’investissement public dans les routes et les voies ferrées se traduit directement par une inflation dévastatrice pour le panier de la ménagère et une fragilisation de la cohésion sociale.
À plus long terme, cette crise pose une question fondamentale sur la résilience du système alimentaire local. Faut-il repenser les circuits d’approvisionnement ou accélérer de manière prioritaire les projets de réhabilitation des axes comme ceux autour de Demba ? L’inaction aurait un coût économique exorbitant, bien au-delà du prix d’un sac de maïs. Elle menacerait la stabilité sociale et hypothèquerait le développement de toute une région. La balle est désormais dans le camp des décideurs. Le temps, lui, est compté pour les milliers de familles de Kananga qui voient, impuissantes, le coût de leur vie quotidienne s’envoler.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
