Alors que son parti politique, Ensemble pour la République, célèbre son sixième anniversaire, Moïse Katumbi a choisi de marquer l’événement par une charge frontale contre le pouvoir en place. Dans un communiqué au ton incisif, l’opposant de premier plan dresse un constat sans concession d’une République démocratique du Congo enlisée dans des crises multidimensionnelles. Entre l’intolérance politique rampante et l’hémorragie sécuritaire à l’Est, le diagnostic est sévère et sonne comme un réquisitoire contre la gouvernance actuelle.
Le point le plus saillant de son intervention concerne l’insécurité endémique qui ravage les provinces de l’Est de la RDC. Pour Moïse Katumbi, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri ne sont plus simplement des zones de conflit, mais des espaces où l’État a abdiqué son rôle régalien fondamental : protéger ses citoyens. Il impute cette déliquescence à une succession de « choix politiques désastreux » et à une incapacité chronique à s’attaquer aux racines des conflits. La stratégie sécuritaire actuelle, souvent présentée comme une réponse, est-elle autre chose qu’un cautère sur une jambe de bois, perpétuant un cycle de violence dont les populations civiles paient le tribut le plus lourd ?
Au-delà du front militaro-sécuritaire, l’ancien gouverneur du Katanga pointe une autre gangrène tout aussi destructrice : la corruption généralisée. Cette pratique, érigée en système selon ses accusations, creuse un fossé abyssal entre une classe politique perçue comme prédatrice et une population confrontée à une pauvreté extrême et à la privation des services sociaux de base. Cette fracture sociale et économique constitue un terreau fertile pour l’instabilité et sape les fondements mêmes du contrat social.
La critique de Katumbi prend une tournure plus acerbe encore lorsqu’il dénonce une « dérive autoritaire » du régime. Arrestations arbitraires, détentions illégales, enlèvements, tortures et instrumentalisation de la justice sont, selon lui, devenus des outils de gouvernance pour réduire au silence l’opposition politique non armée, la presse libre et la société civile. Cette situation interroge : jusqu’où un gouvernement peut-il aller dans la restriction des libertés fondamentales au nom d’une stabilité factice ? La pérennité d’un État de droit en sort-elle renforcée ou, au contraire, irrémédiablement compromise ?
Face à ce sombre tableau, Moïse Katumbi ne se contente pas de la critique. Il propose une voie de sortie qu’il estime « crédible » : l’organisation d’un dialogue national inclusif. Son schéma est précis : il doit associer le gouvernement, l’opposition politique non armée, la société civile et inclure la problématique épineuse des groupes armés, en l’occurrence l’AFC/M23. Point crucial, il plaide pour une médiation sous l’égide de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo-Églises du Christ au Congo (CENCO-ECC), institution qui conserve un capital de crédibilité auprès d’une large frange de la population. Cette proposition de dialogue inclusif CENCO est-elle la clé pour désamorcer la crise de confiance qui mine le pays ?
En parallèle de cette offre de dialogue, le leader d’Ensemble pour la République passe à l’offensive sur le terrain politique. L’annonce de la mise en place d’un directoire national vise manifestement à structurer et à unifier les forces d’opposition en vue d’une « mobilisation nationale pacifique ». Cette stratégie à deux faces – ouverture diplomatique d’un côté, renforcement de la pression civile de l’autre – démontre une volonté de ne pas laisser l’initiative au pouvoir. Katumbi joue ici un jeu subtil, appelant à la fois à la concertation et à la rue, convaincu que seul un rapport de force rééquilibré peut contraindre au changement.
La sortie de Moïse Katumbi, à un moment où le pays est sous tension, n’est évidemment pas neutre. Elle relance le débat sur l’état de la démocratie congolaise et la responsabilité de ses dirigeants. En pointant du doigt la corruption gouvernementale et les violations des droits humains, il place l’exécutif face à ses contradictions et à ses promesses non tenues. Le régime pourra-t-il continuer à ignorer ces accusations récurrentes sans risque pour sa légitimité ? La balle est désormais dans le camp du pouvoir : accepter un véritable dialogue sous médiation neutre ou s’enfermer dans un isolement de plus en plus périlleux. L’avenir politique de la RDC se joue peut-être dans la réponse à cette alternative.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
