La saison des pluies, synonyme de renouveau ailleurs, rime avec détresse dans le territoire de Nyiragongo, au Nord-Kivu. Ici, une autre forme de crise, plus silencieuse et insidieuse que le son des armes, prend des proportions alarmantes : celle de la malnutrition qui frappe les enfants. Les chiffres révélés par l’organisation locale Jirani Msaada sont un électrochoc. Sur 92 enfants examinés dans 17 familles du groupement de Munigi, 72% présentent des signes de malnutrition. Mais que se cache-t-il derrière ce pourcentage glaçant, et pourquoi la situation s’est-elle aggravée si brutalement depuis le mois de juin ?
Imaginez un organisme d’enfant comme une maison en construction. Les protéines, les vitamines et les minéraux sont les briques, le ciment et les poutres. La malnutrition, c’est lorsque ces matériaux essentiels viennent à manquer. La structure devient alors fragile, incapable de résister aux agressions, qu’elles soient une simple diarrhée ou une infection respiratoire. C’est précisément cette vulnérabilité extrême qui frappe désormais les communautés des villages de Ngangi 1, Turunga et Bushagara, identifiés parmi les épicentres de cette crise humanitaire.
Le plus inquiétant dans cette alerte malnutrition en RDC lancée ce lundi, est l’évolution du profil des victimes. « La malnutrition touche désormais même les enfants de 7, 8 ou 9 ans », s’alarme Jackson Kyavyavu, coordonnateur de Jirani Msaada. Cette extension aux tranches d’âge plus larges est le signe d’une détérioration profonde de la sécurité alimentaire des familles entières. Un enfant de cet âge, normalement plus résistant, qui bascule dans la malnutrition, indique que le filet de sécurité familial est complètement rompu. Le drame a déjà eu lieu : un enfant a succombé en novembre. Une vie emportée, qui sonne comme un tragique avertissement.
Mais quelles sont les racines de cette catastrophe annoncée dans le Nord-Kivu ? La région, minée depuis des décennies par l’instabilité et les déplacements de population, voit ses capacités de résilience s’éroder. L’accès aux champs peut être périlleux, les circuits économiques sont perturbés, et l’inflation galopante rend les denrées de base inaccessibles pour beaucoup. La crise humanitaire à Nyiragongo est multifacette : elle est sécuritaire, économique et maintenant sanitaire. Les familles, déjà vulnérables, n’ont plus les ressources pour assurer le minimum nutritionnel à leurs enfants.
Face à cette urgence, l’appel lancé est clair et désespéré. Jackson Kyavyavu exhorte le Gouvernement, les acteurs humanitaires et les personnes de bonne volonté à intervenir sans délai. « Demain ou après-demain, nous enterrerons encore nos enfants, comme en novembre », craint-il. Cette phrase, lourde de sens, résume l’extrême urgence de la situation. L’aide ne peut plus se contenter de rapports ; elle doit se traduire par des actions concrètes sur le terrain : distributions alimentaires ciblées, prise en charge médicale des cas les plus graves, soutien aux moyens de subsistance des familles. Chaque jour perdu aggrave le pronostic pour des dizaines d’enfants.
Concrètement, que faire pour prévenir d’autres décès ? La première étape est un dépistage actif dans toutes les zones à risque pour identifier les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, ceux dont la vie est en danger immédiat. Ils nécessitent une prise encharge spécialisée avec des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi. En parallèle, un soutien nutritionnel plus large doit être apporté aux familles pour couper le mal à la racine et éviter que de nouveaux enfants ne basculent dans la spirale de la faim. La communauté internationale et les autorités congolaises doivent faire de cette urgence santé au Nord-Kivu une priorité absolue.
La malnutrition n’est pas une fatalité. C’est une maladie qui se soigne et se prévient. Les solutions techniques existent. Ce qui manque à Nyiragongo, c’est la mobilisation des ressources et de la volonté politique pour les déployer à l’échelle requise. Les enfants du Congo, et particulièrement ceux du Nord-Kivu, ne peuvent pas être les oubliés d’une crise aux causes complexes. Leur avenir, et pour les plus critiques leur vie même, se joue maintenant dans la capacité de réponse qui sera apportée dans les prochaines semaines. L’histoire jugera si cet avertissement, porté par des acteurs de terrain comme Jirani Msaada, aura été suffisamment entendu pour éviter le scénario du pire.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
