Les communautés locales de l’Ituri annoncent un retour progressif dans leurs villages, notamment à Bule, dans le territoire de Djugu. Cette décision intervient plus d’une semaine après des opérations militaires ciblées menées par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) contre la milice Convention de Résistance pour la Paix (CRP), affiliée à Thomas Lubanga. Un mouvement d’espoir, certes prudent, qui témoigne d’un fragile réchauffement après des mois de tensions et de violences.
Cette volonté de retour des populations dans les villages d’Ituri s’accompagne d’un engagement public à collaborer avec les services de sécurité pour la consolidation de la paix dans cette région meurtrie. Des résolutions formulées à l’issue d’une intense campagne de sensibilisation organisée conjointement par le gouvernement provincial de l’Ituri et la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO). Les séances, tenues du 17 au 19 décembre dernier à Bule et Fataki, avaient un objectif clair : restaurer un lien de confiance brisé et renforcer la protection des civils.
La délégation conjointe a confirmé que les récents affrontements entre les FARDC et la milice CRP avaient malheureusement cristallisé des sentiments hostiles envers les forces gouvernementales et la mission onusienne au sein de certaines communautés. Une défiance exploitée par les groupes armés. Cette situation a créé un terrain propice à l’infiltration des miliciens dans les sites de déplacés, à l’utilisation de civils comme boucliers humains et à des déplacements massifs de populations vers des zones forestières reculées, aggravant une crise humanitaire déjà profonde.
Face à ce cercle vicieux de méfiance et d’insécurité, la campagne de sensibilisation à Bule et Fataki a servi de cadre de dialogue urgent. Comment rétablir la confiance entre une armée chargée de protéger et des populations traumatisées ? Comment garantir une protection effective des civils en Ituri ? Les échanges, bien que difficiles, ont permis d’aboutir à des conclusions concrètes. Les communautés ont pris la résolution ferme de regagner leurs villages d’origine, d’y reprendre leurs activités agricoles et économiques, et d’œuvrer à une collaboration active avec les services de sécurité en Ituri.
Cependant, cette collaboration n’est pas inconditionnelle. Les populations locales ont émis des recommandations précises à l’adresse des FARDC. Le respect scrupuleux des droits humains lors des opérations a été réitéré comme une exigence fondamentale. Les communautés demandent également un renforcement significatif de la relation civilo-militaire, l’intensification des patrouilles mixtes impliquant les FARDC, l’UPDF ougandaise et la MONUSCO, et l’ouverture immédiate d’un dialogue inclusif pour une cohabitation pacifique et durable.
Des préoccupations spécifiques ont été soulevées pour éviter les amalgames contre-productifs. Les communautés ont ainsi plaidé pour que cesse l’assimilation systématique des jeunes aux groupes armés, qu’il s’agisse de la CRP ou de la CODECO. Elles ont également appelé à la suppression des barrières et tracasseries routières qui entravent la libre circulation des personnes et des biens, pénalisant l’économie locale et la vie quotidienne.
Ces assises cruciales ont réuni environ une centaine de participants, reflétant la diversité de la région. Des autorités coutumières Lendu et Hema, souvent en première ligne des conflits communautaires, se sont assises à la même table que des acteurs de la société civile et des représentants des déplacés des localités de Lodha et Djaiba. Cette composition mixte souligne la volonté d’aborder le conflit dans sa complexité, en intégrant toutes les voix affectées.
Les opérations des FARDC contre la milice CRP ont donc créé un contexte sécuritaire nouveau, mais également un lourd passif psychologique. Le succès de ce timide retour et de la promesse de collaboration reste suspendu à la capacité des parties prenantes à traduire les résolutions de Bule et Fataki en actions tangibles. La population observe et attend des actes. La stabilisation de l’Ituri passera inévitablement par cette reconstruction patiente de la confiance, pierre angulaire de toute paix durable. Les prochaines semaines seront déterminantes pour évaluer si ce dialogue a réellement planté les graines de la réconciliation ou s’il ne sera qu’un autre chapitre dans le long cycle de violence de la province.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
