Au marché de Bireré à Goma, les allées sont silencieuses, les étals presque vides. « Nous nous demandons si les familles mangent encore », confie un vendeur de riz, la voix empreinte d’une lassitude profonde. Alors que le monde s’apprête à célébrer, la ville volcanique du Nord-Kivu, toujours sous occupation rebelle, retient son souffle. Les traditionnelles illuminations et effervescences des fêtes de fin d’année à Goma semblent cette année étouffées sous le poids d’une réalité brutale : une guerre qui n’en finit pas et une crise économique qui étrangle le quotidien de ses habitants.
« Les citoyens vivent sous une frustration totale », lance un habitant, refusant de donner son nom par crainte des représailles. Cette guerre qu’a connue la ville a causé des événements malsains. Au-delà des morts, il n’y a pas d’autorité de l’État. Alors, comment pourront-ils fêter ? » Cette question rhétorique, lourde de sens, résume l’état d’esprit général. L’occupation rebelle à Goma n’est pas seulement une réalité militaire ; elle est devenue un facteur paralysant de la vie sociale et économique, sapant toute perspective de joie collective.
La crise économique au Nord-Kivu atteint un paroxysme en cette période symbolique. Après onze mois de fermeture des banques commerciales à Goma, la circulation monétaire est devenue un chemin de croix. Les ménages sont coupés de leurs revenus, leurs économies bloquées, plongeant des milliers de familles dans une précarité sans précédent. « Les parents aujourd’hui ne sont même plus en mesure d’aller au marché pour acheter des habits pour leurs enfants », témoigne une mère de famille, les mains vides devant un étal de vêtements. La situation actuelle n’est pas bonne. Comment envisager une fête quand l’essentiel fait défaut ?
Sur le front économique, les conséquences sont visibles dans tous les secteurs. Les commerçants du marché Bireré à Goma, habituellement animés à l’approche de Noël, font face à une désolation inhabituelle. « Malgré la baisse des prix des marchandises, les sacs de riz ne bougent pas, l’huile n’est pas achetée », déplore un vendeur. L’atmosphère morose contraste cruellement avec l’agitation passée. Les achats de première nécessité sont rationnés, et les produits de fête, considérés comme superflus, restent invendus. Cette fermeture des banques à Goma a créé une véritable asphyxie financière, où même la baisse des prix ne suffit pas à relancer la consommation.
Pourtant, dans cette grisaille, des lueurs de résilience persistent. Certains articles essentiels, comme certains légumes ou denrées de base, voient leurs prix baisser, offrant un léger répit à des budgets familiaux exsangues. Cette timide déflation est perçue comme une bouffée d’oxygène dans un contexte où chaque franc congolais compte. Mais cette embellie relative suffira-t-elle à redonner le sourire aux Gomatraciens ? La réponse est dans le regard inquiet des parents qui parcourent les marchés sans rien acheter, et dans le silence des rues où résonne encore l’écho des conflits.
Les fêtes de fin d’année à Goma se dessinent donc sous le signe du paradoxe : une période censée incarner l’abondance et la réjouissance devient le miroir grossissant des fractures sociales et de l’impuissance collective. L’enjeu dépasse la simple célébration ; il touche à la capacité d’une communauté à préserver son humanité et sa cohésion face à l’adversité. La ville, entre incertitude et résilience, cherche son équilibre. Mais sans une solution durable à l’occupation rebelle et à la crise économique, les futures festivités risquent de rester marquées par cette même frustration, interrogeant profondément sur l’avenir de toute une région.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
