Dans l’effervescence du marché de Kanyama Kasese, sur la route du parquet à Mbuji-Mayi, la patience des femmes se mêle à une anxiété palpable. Dès cinq heures du matin, bien avant l’ouverture des dépôts, des files se forment, chacune espérant obtenir ce précieux jeton qui donne droit à un sac de maïs. « Nous sommes venues acheter le maïs de Kanyema Kasese. Il y a plein de monde ici. Ça fait trois jours que nous venons sans acheter même un sac de maïs », témoigne l’une d’elles, la fatigue et la frustration peintes sur le visage. Cette scène, devenue quotidienne, illustre une crise plus profonde : la pénurie de maïs qui frappe la capitale du Kasaï-Oriental, mettant en lumière les tensions autour de l’accès alimentaire pour des milliers de familles.
Que se passe-t-il donc pour qu’un aliment de base devienne une denrée si rare et si disputée ? L’engouement massif aux points de vente, où des revendeuses se pressent, a créé une situation de tension permanente. Les bousculades deviennent inévitables à l’arrivée des agents du Service national, moment où l’espoir d’une journée réussie se joue en quelques instants. Certaines repartent les mains vides, d’autres avec seulement la moitié de ce qu’elles espéraient, comme cette femme qui n’a pu acheter que deux sacs sur les quatre prévus. Cette précarité organisée questionne l’efficacité des circuits de distribution et la régulation des marchés dans la province.
Face à cette situation, le gouverneur Jean-Paul Mbwebwa a décidé d’effectuer une visite surprise, jeudi 18 décembre, au dépôt de maïs de M’Tshia Bakua Dianga. Sur place, le constat est amer. Le chef de l’exécutif provincial n’a pas caché son mécontentement face au système de vente en place, qu’il a jugé désordonné et source d’injustice. « Nous sommes venus nous-mêmes nous rendre compte de cette réalité. Ils le vendent toujours à 50 000 francs congolais. On a mis de l’ordre et chacun a acheté aujourd’hui son sac au prix fixé. Un sac par personne », a-t-il déclaré, donnant une instruction claire pour tenter d’instaurer une forme d’équité. Cette intervention directe témoigne de l’urgence de la situation et de la nécessité d’une autorité régulatrice pour éviter les dérives.
Mais au-delà de la simple régulation des files d’attente, cette pénurie de maïs à Mbuji-Mayi soulève des enjeux structurels majeurs. Pourquoi la production ou l’approvisionnement en maïs de Kanyema Kasese, pourtant réputé, ne parvient-il pas à répondre à la demande ? Les mécanismes de stockage et de distribution sont-ils défaillants ? La visite du gouverneur a d’ailleurs conduit à la découverte et à la récupération de plusieurs autres sacs dans les dépôts du grand marché Bakua Dianga, suggérant des problèmes de gestion ou de rétention des stocks qui exacerbent artificiellement la rareté. Ces pratiques, qu’elles soient dues à la spéculation ou à la mauvaise organisation, pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages déjà vulnérables.
La crise actuelle est un révélateur des fragilités du système alimentaire provincial. L’accès alimentaire n’est pas qu’une question de disponibilité physique, mais aussi de logistique, de transparence et de gouvernance. Les instructions du gouverneur Jean-Paul Mbwebwa vont dans le bon sens, mais sont-elles suffisantes ? Une politique durable doit assurer un approvisionnement stable et à un prix abordable pour tous. Les femmes de Mbuji-Mayi, premières victimes de cette précarité, attendent plus qu’un sac de maïs par personne ; elles attendent une sécurité alimentaire garantie. La situation à Kanyama Kasese doit servir de catalyseur pour une refonte en profondeur des circuits de commercialisation des denrées de première nécessité au Kasaï-Oriental. Le maïs, plus qu’une céréale, est un baromètre de la stabilité sociale et du bien-être des populations.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
