La signature, sous les ors de la diplomatie américaine, des « Accords de Washington pour la paix et la prospérité » entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, constitue l’épisode le plus tangible de la stratégie d’internationalisation du conflit de l’Est choisie par le président Félix Tshisekedi. Ce faisant, le chef de l’État congolais a placé une part significative de son crédit politique et de la résolution d’une crise séculaire dans les mains d’une puissance extérieure, un pari audacieux dont les dividendes restent à percevoir sur le terrain miné du Kivu.
Les termes de l’accord, dévoilés par le département d’État, esquissent une feuille de route ambitieuse mêlant sécurité et économie. Le retrait des éléments rwandais du sol congolais, la neutralisation des groupes armés, dont les FDLR, et l’établissement d’un cadre pour l’exploitation commune des ressources critiques forment la colonne vertébrale de ce texte. La médiation américaine en RDC a ainsi réussi à encapsuler dans un document unique des engagements qui, par le passé, n’avaient été que des promesses évanescentes. La communauté internationale, via un mécanisme de copilotage, se voit confier un rôle de garant, insufflant une dose d’espoir mais aussi de dépendance.
L’analyse ne peut éluder le fait que cette percée diplomatique est, en grande partie, le fruit d’un engagement personnel et direct des hautes sphères américaines. En orchestrant ce rapprochement entre Kinshasa et Kigali, Washington a offert à Félix Tshisekedi un levier dont il manquait cruellement : une autorité de dernier ressort capable d’imposer des compromis politiquement coûteux. La diplomatie de Tshisekedi trouve ici une validation tactique. Mais cette réussite immédiate soulève une question fondamentale : la paix dans l’Est du Congo peut-elle être durablement construite sur un arbitrage venu d’ailleurs ?
Car le diable se niche, comme souvent, dans les détails opérationnels. Les trente tâches du plan de mise en œuvre représentent une montagne à gravir. La neutralisation effective des milices, le désengagement militaire vérifiable, et la transparence dans la gouvernance des minerais sont autant de goulets d’étranglement où le processus pourrait achopper. Déjà, des violations du cessez-le-feu ont été rapportées, rappelant la fragilité chronique de la région. Les Accords de Washington RDC Rwanda créent un cadre, mais ils ne désarment pas la méfiance historique. La paix à l’Est exige plus qu’une signature ; elle nécessite une volonté politique continue et un contrôle territorial que Kinshasa peine encore à assurer pleinement.
Sur le plan géopolitique, l’accord n’est pas neutre. En ancrant son règlement dans le giron américain, la RDC prend le risque de voir ses priorités nationales infléchies par des intérêts stratégiques étrangers, notamment concernant l’accès aux ressources critiques. Le volet économique de l’intégration régionale, s’il est prometteur pour le développement, pourrait également se muer en un carcan si les bénéfices ne sont pas équitablement partagés. Les relations RDC Rwanda en 2024 entrent ainsi dans une phase nouvelle, marquée par un parrainage occidental qui, s’il stabilise le front diplomatique, pourrait complexifier l’équation de la souveraineté.
Pour le président Tshisekedi, l’équation est désormais politique. Le pari de la médiation américaine en RDC lui a fourni un succès diplomatique tangible, un capital à faire valoir tant sur la scène internationale qu’auprès d’une opinion publique congolaise lasse de la guerre. Cependant, ce gain pourrait se révéler éphémère si la sécurité quotidienne des populations du Kivu ne s’améliore pas concrètement. Le chef de l’État a habilement externalisé une partie de la pression, mais il ne pourra externaliser la responsabilité ultime des résultats.
À l’heure du bilan, les Accords de Washington représentent indéniablement une fenêtre d’opportunité historique. Ils démontrent que seule une implication de haut niveau pouvait briser l’impasse entre les deux capitales. Pourtant, l’histoire récente de la région est jonchée d’accords mort-nés. La différence, cette fois, réside dans la puissance du garant et l’imbrication des enjeux économiques. La paix définitive dans l’Est congolais se jouera à la fois dans les salons feutrés de la diplomatie internationale et dans les collines verdoyantes du Nord-Kivu, où la présence de l’État et la justice restent les seuls gages crédibles de stabilité. La médiation américaine a ouvert une porte ; il appartient désormais aux dirigeants congolais et rwandais de franchir le seuil, sans regarder en arrière.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: https://www.cetri.be/RDC-Rwanda-Le-pari-de-Tshisekedi-d
