Dans un contexte sécuritaire toujours aussi volatile à l’Est de la République démocratique du Congo, le Sénat a, lors de sa 17e séance plénière de la session ordinaire de septembre 2025, pris une décision lourde de conséquences : la prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Présidée par Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, cette session parlementaire a vu les sénateurs trancher en faveur du maintien de ce régime d’exception, une mesure qui, loin de faire l’unanimité, continue de soulever des interrogations sur son efficacité réelle.
Le projet de loi autorisant cette prorogation de l’état de siège a été examiné avec une rigueur procédurale exemplaire. Après la lecture de la lettre du Chef de l’État par la rapporteure Nefertiti Ngudianza et le rappel du règlement intérieur par le président de l’assemblée, le gouvernement, représenté par le ministre de la Formation professionnelle Marc Ekila, a présenté l’économie du texte. Un débat article par article a précédé le vote par appel nominal, moment crucial de cette séance plénière du Sénat RDC.
Le scrutin a révélé une chambre divisée non pas sur le fond, mais par l’absentéisme. Sur les 109 sénateurs que compte la haute assemblée, seuls 72 ont participé au vote. Le résultat est sans appel : 70 voix pour, aucune contre et deux abstentions. Cette large majorité masque-t-elle un consensus de raison ou une résignation face à l’urgence sécuritaire ? La question mérite d’être posée, tant la prolongation de l’état de siège en RDC semble devenir une solution pérenne plutôt qu’exceptionnelle.
Le gouvernement justifie cette mesure par l’impératif de sécurité dans l’Est du Congo, toujours miné par les activités de groupes armés tels que les ADF. Pourtant, depuis son instauration, l’état de siège n’a pas réussi à éradiquer l’insécurité. Ne risque-t-on pas d’institutionnaliser un régime qui, à terme, pourrait affaiblir les libertés publiques sans pour autant stabiliser la région ? La stratégie de Kinshasa, appuyée par le législateur, mise clairement sur la force, mais elle néglige peut-être les dimensions politique et sociale du conflit.
Au-delà de ce dossier brûlant, la séance plénière de septembre 2025 a été l’occasion d’aborder d’autres crises tout aussi préoccupantes. Le sénateur Bulakali a ainsi présenté une motion d’information alarmante sur la situation humanitaire à Uvira, au Sud-Kivu. Des violences y auraient causé plusieurs centaines de morts et provoqué le déplacement de plus de 40 000 personnes vers le Burundi et la Tanzanie. Il a plaidé pour l’envoi d’une délégation sénatoriale et un soutien humanitaire accru, une initiative saluée par le président du Sénat.
Les débats au Sénat en septembre 2025 ont également porté sur les multiples facettes de l’insécurité. Le Vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières, Jacquemain Shabani, a répondu aux interrogations des sénateurs Jean-Pierre Batumoko et Jean Bamanisa. Les échanges ont couvert un large spectre : la criminalité urbaine, la lutte contre les ADF, le phénomène Mobondo, l’opération Ndobo contre les kuluna, sans oublier les épineuses questions de décentralisation et d’identification de la population.
Sur le dossier de Watsa, dans le Haut-Uélé, le ministre a défendu le démembrement des entités territoriales, affirmant son strict respect de la Constitution et de la loi. Concernant l’Office national d’identification de la population (ONIP), il a réitéré la priorité accordée à l’identification, annonçant un début progressif de délivrance de la carte nationale d’identité à partir de mai 2026, sous réserve de moyens. Des promesses qui, à l’image de nombreuses autres, restent conditionnées à la mobilisation de ressources.
Enfin, le ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité est intervenu pour répondre à une question orale sur le déficit énergétique national, évalué à près de 2 000 mégawatts. Il a justifié le recours temporaire à l’importation d’électricité et rappelé l’ambitieux objectif du gouvernement : porter le taux d’accès à l’électricité de 21,5 % à 62 % d’ici 2030. Un plan qui, s’il est réalisé, pourrait transformer l’économie congolaise, mais qui pour l’heure peine à convaincre face à l’ampleur des besoins.
En clôture, le président du Sénat a assuré que toutes les recommandations issues de cette plénière seraient transmises aux instances compétentes pour suivi. Reste à savoir si ces décisions, notamment la prorogation de l’état de siège en Ituri et Nord-Kivu, seront suffisantes pour inverser la tendance sécuritaire et humanitaire. Le Sénat a joué son rôle législatif, mais la balle est désormais dans le camp de l’exécutif. La population de l’Est, elle, attend des actes concrets et durables.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
