Ce lundi, le verdict tombera dans le procès historique de l’ancien chef rebelle Roger Lumbala, jugé par la Cour d’assises de Paris pour complicité de crimes contre l’humanité et association de malfaiteurs. À l’issue d’un réquisitoire fleuve de plus de onze heures prononcé vendredi, le parquet national antiterroriste a requis la réclusion criminelle à perpétuité, une interdiction définitive du territoire français ainsi que des confiscations, estimant qu’« il ne peut y avoir de paix durable sans justice ».
L’accusation repose sur des faits commis entre 2002 et 2003 dans l’Est de la République Démocratique du Congo, dans le cadre de l’opération militaire dite « Effacer le tableau ». Le ministère public reproche à Roger Lumbala, président du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Nord (RCD-N), d’avoir apporté un soutien logistique et politique déterminant aux auteurs directs d’exécutions sommaires, de tortures, de traitements inhumains, de viols et de pillages systématiques dans plusieurs localités. Ce procès, qui s’est ouvert il y a plusieurs semaines, a été marqué par l’absence répétée de l’accusé, qui a refusé de se présenter devant la cour, y compris lors du prononcé du réquisitoire.
À la barre, une succession de témoins, pour beaucoup des survivants meurtris, est venue décrire l’horreur de cette période. Leurs récits, d’une cohérence troublante, ont peint le tableau de villages entiers attaqués, de populations terrorisées et soumises à des violences d’une extrême brutalité. Leurs dépositions ont minutieusement reconstitué la chaîne de commandement présumée, remontant inexorablement vers les plus hautes sphères du mouvement rebelle. Un nom est revenu avec une insistance particulière dans leurs témoignages : celui du général Constant Ndima Kongba.
Pourquoi le nom de Constant Ndima Kongba, ancien gouverneur militaire du Nord-Kivu entre 2021 et 2023, apparaît-il avec une telle fréquence dans ce dossier jugé à Paris ? Selon les témoignages et les éléments versés aux débats, Constant Ndima, alors commandant des opérations à Isiro, était le chef militaire sur le terrain, agissant sous les instructions politiques de Roger Lumbala. Plusieurs témoins ont identifié le général, surnommé « Effacer le tableau », comme le supérieur hiérarchique direct de responsables militaires mis en cause pour les crimes, tels que Freddy Ngalimu ou Widdy Ramsès, alias « le roi des imbéciles ». Des photographies, présentées à la cour, le montrent aux côtés de Roger Lumbala dans l’Est du pays, consolidant les allégations de leur étroite collaboration.
La stratégie de la défense, quant à elle, a consisté à dépeindre le RCD-N comme un mouvement purement politique et à nier tout rôle militaire ou opérationnel de son président. Roger Lumbala, dans ses auditions, a soutenu que les combattants présents dans la zone étaient en réalité issus du groupe de Jean-Pierre Bemba, son allié de l’époque. Cette affirmation est partiellement corroborée par plusieurs rapports, qui indiquent qu’une partie des hommes opérant dans le secteur contrôlé par le RCD-N provenaient effectivement de la rébellion de Bemba. Cependant, l’accusation soutient que ces éléments étaient intégrés et dirigés sous l’autorité de Constant Ndima, lui-même placé sous l’égide de Lumbala.
Fait notable, Constant Ndima Kongba a été cité comme témoin par la défense de Roger Lumbala, mais n’a pas comparu. Son absence du box des accusés a d’ailleurs suscité l’interrogation de plusieurs parties civiles et témoins. Interrogée sur ce point, la présidence de la cour a rappelé une règle de procédure fondamentale : la compétence de la justice française est conditionnée par la présence sur le territoire national de la personne mise en cause. N’étant pas résident en France, Constant Ndima ne pouvait être poursuivi dans le cadre de cette procédure spécifique, une réponse qui n’a pas manqué de soulever un sentiment d’injustice chez les victimes.
Alors que la cour se retire pour délibérer, ce procès dépasse la simple figure de Roger Lumbala. Il interroge sur les mécanismes complexes de la responsabilité dans les conflits armés, sur la distinction souvent ténue entre le politique et le militaire, et sur les limites de la justice universelle. La décision qui sera rendue ce lundi sera donc scrutée bien au-delà de la salle d’audience parisienne, en République Démocratique du Congo où les plaies de l’opération « Effacer le tableau » restent vives. Elle constituera un précédent majeur dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux commis en RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
