Dans les salles climatisées d’un hôtel de la Gombe à Kinshasa, un silence concentré règne tandis que des représentants du gouvernement, du secteur privé et de la société civile tracent les contours d’un avenir minier différent. Du 15 au 17 décembre, la capitale congolaise est le théâtre d’une retraite décisive. L’enjeu ? Élaborer la feuille de route opérationnelle du Plan d’action national des Principes volontaires en RDC pour 2026. Une initiative qui touche au cœur des contradictions du pays : comment transformer l’immense richesse du sous-sol en véritable levier de développement, sans piétiner les droits des communautés qui vivent au-dessus ?
« Cette activité doit aboutir à un résultat concret », a martelé le ministre des Droits humains, Samuel Mbemba, dans son allocution d’ouverture. Son appel résonne comme un impératif face à un passé souvent marqué par des promesses non tenues. L’objectif affiché est sans équivoque : promouvoir une exploitation minière et pétrolière responsable, éthique et alignée sur les standards internationaux. Mais sur le terrain, dans les provinces du Lualaba, du Haut-Katanga ou de l’Ituri, les défis sont immenses. Les populations locales, souvent premières témoins des excavations, sont-elles vraiment écoutées ? Leur voix porte-t-elle jusqu’à ces tables de négociation à Kinshasa ?
Le forum, organisé en collaboration avec les ministères des Hydrocarbures, des Mines et l’ONG DCAF, n’est pas qu’un simple exercice bureaucratique. Il s’agit d’un pilier de la planification stratégique pour les années à venir. Les Principes volontaires RDC servent justement de boussole. Ce cadre guide les entreprises sur la manière de gérer la sécurité autour de leurs sites tout en respectant scrupuleusement les droits humains. Un équilibre délicat, alors que la présence de gardes privés ou publics a parfois été source de tensions et d’abus.
Louis Watum Kabamba, le ministre des Mines, a pour sa part exprimé l’engagement de son département à faire respecter les recommandations issues de ces travaux. Cet engagement est crucial. La République Démocratique du Congo peut-elle imposer une nouvelle ère de reddition des comptes aux opérateurs, qu’ils soient nationaux ou internationaux ? L’exploitation minière responsable passe nécessairement par un cadre réglementaire clair et une volonté politique ferme de le faire appliquer. Sans cela, les meilleures intentions du Plan d’action national risquent de rester lettres mortes.
L’ambition est de favoriser une exploitation « exempte de violations des droits humains, respectueuse de l’environnement et bénéfique aux communautés locales ». Une formule idéale qui se heurte pourtant à la réalité économique. Comment s’assurer que les bénéfices des mines et du pétrole congolais irriguent véritablement les régions productrices ? Les routes, les écoles et les hôpitaux promis deviendront-ils enfin visibles ? Le forum de Kinshasa sur les mines et le pétrole tente d’apporter des réponses techniques à ces questions éminemment sociales.
En filigrane, c’est la crédibilité même de la filière minière congolaise qui se joue. Les investisseurs internationaux sont de plus en plus sensibles aux critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Une mise en œuvre rigoureuse des Principes volontaires pourrait donc être un atout économique, en attirant des capitaux soucieux d’éthique. À l’inverse, l’inaction ou le manque de suivi renforceraient l’image d’un secteur opaque, miné par les conflits et les injustices.
Alors que les travaux se poursuivent, une interrogation demeure : cette volonté affichée au plus haut niveau parviendra-t-elle à descendre dans la chaîne de commandement, jusqu’aux agents sur le terrain ? La réussite de ce Plan d’action national pour les droits humains ne se mesurera pas dans les comptes-rendus de réunion, mais à l’aune du quotidien des Congolais. Leur capacité à vivre en sécurité près des sites d’extraction, à obtenir réparation en cas de préjudice, et à voir leur environnement préservé sera le seul véritable indicateur de succès. Le chemin vers une exploitation minière responsable en RDC est long et semé d’embûches, mais ce forum de Kinshasa représente, peut-être, un premier pas déterminant vers une gestion plus juste et plus humaine de la manne congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
