L’opération menée par les forces de l’ordre au domicile de l’ancien président Joseph Kabila, dans le quartier huppé de la Gombe, continue de produire ses ondes de choc dans le paysage politique congolais. À travers un message publié sur la plateforme X, le secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), Ferdinand Kambere, a porté une critique acerbe contre ce qu’il présente comme une dérive inquiétante de l’État de droit en République démocratique du Congo. Cette intervention, loin d’être anodine, s’inscrit dans une séquence politique où chaque geste est décrypté comme un signe avant-coureur de tensions plus profondes.
Que signifie, en effet, cette perquisition domicile Joseph Kabila au-delà de l’acte policier lui-même ? Pour le principal parti de l’ancien chef de l’État, la réponse est sans équivoque : il s’agirait d’une manœuvre politique ciblée, une « persécution » visant à museler une voix critique. Ferdinand Kambere, dans sa déclaration, lie explicitement l’opération aux prises de position publiques de Joseph Kabila sur la gouvernance du pays, la présence d’armées étrangères et la nécessité d’un dialogue national inclusif. « Le crime de Kabila, c’est avoir l’amour de la patrie en dénonçant la mauvaise gouvernance », a-t-il écrit, résumant une posture de victime politique qui cherche à retourner l’accusation contre le pouvoir en place.
L’analyse proposée par Ferdinand Kambere PPRD franchit un palier rhétorique significatif en qualifiant juridiquement ces faits. Il affirme que ces actions pourraient être assimilées à des « crimes de guerre », en se référant à l’article 223 du Code pénal congolais révisé, qui intègre les dispositions du Statut de Rome. Cette escalade dans le vocabulaire juridico-politique n’est pas neutre. Elle traduit une volonté de porter le débat sur la scène internationale et de criminaliser les actions des autorités actuelles, dans un contexte où la crise politique RDC semble s’enliser dans un face-à-face stérile.
La réaction du camp Kabila, décrivant des destructions, des saccages et des pillages lors de l’opération, peint le tableau d’une force publique dépassant son mandat. Cette narration, reprise et amplifiée par les notables katangais dont Ferdinand Kambere dit suivre le communiqué « avec un cœur lourd », participe à la construction d’un récit de l’arbitraire. Le secrétaire permanent y voit le franchissement d’une « ligne rouge dangereuse », transformant, selon lui, des manœuvres politiques ordinaires en « actes d’une extrême gravité ». Cette lecture pose une question fondamentale : assiste-t-on à l’instrumentalisation de la justice et des forces de sécurité dans un règlement de comptes politique, ou cette opération s’inscrit-elle dans le cadre strict d’une enquête légitime ?
Le discours de Kambere élargit le champ de la dénonciation en évoquant une « séquence plus large mêlant diabolisation médiatique, harcèlement judiciaire et atteintes physiques et matérielles ». Cette accusation de persécution politique systématique vise à inscrire l’événement isolé de la perquisition dans une logique de répression continue. Elle sert également à mobiliser la base militante et à rallier les sympathisants autour de la figure de l’ancien président, présenté comme le dernier rempart contre un pouvoir autoritaire. Dans ce jeu d’échecs politique, chaque camp accuse l’autre de saper les fondements de l’État. Où se situe alors la vérité, et surtout, où se trouve l’intérêt supérieur de la nation dans cette surenchère verbale ?
Cette affaire dépasse le simple incident policier pour toucher au cœur des équilibres fragiles de la démocratie congolaise. La crédibilité des institutions, la séparation des pouvoirs et la confiance des citoyens dans un État de droit RDC impartial sont en jeu. La réaction véhémente du PPRD, parti qui a longtemps été au centre du pouvoir, souligne l’acuité des tensions et la difficulté à instaurer un dialogue apaisé entre l’ancien et le nouveau régime. Le pouvoir actuel joue-t-il un jeu dangereux en provoquant ainsi son prédécesseur, au risque d’envenimer durablement le climat politique et de déstabiliser des institutions encore jeunes ?
À l’heure où le pays fait face à d’immenses défis sécuritaires et économiques, cette polémique autour de la perquisition domicile Joseph Kabila risque de monopoliser l’attention et les énergies au détriment des urgences nationales. Elle révèle une fracture profonde au sein de l’élite politique, incapable de trouver un modus vivendi pour gérer la transition post-Kabila. Les prochains jours seront décisifs pour voir si cette crise débouche sur un dialogue ou, au contraire, sur un durcissement des positions. La balle est désormais dans le camp des autorités judiciaires pour apporter des éclaircissements transparents sur les motifs et le déroulement de cette opération, et dans celui du pouvoir exécutif pour calmer le jeu ou assumer l’affrontement. L’équilibre des pouvoirs et la santé de la jeune démocratie congolaise en dépendent.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
