La 70e réunion du Conseil des ministres a servi de cadre à une mise en garde peu ordinaire. Le Président Félix Tshisekedi, face à son gouvernement, a brandi l’impératif de l’action contre l’inertie administrative, sommant ses ministres de passer de la signature à la réalisation des accords internationaux RDC. Cet appel, plus qu’une simple exhortation, résonne comme un aveu : la pléthore de partenariats étrangers Congo engrangés au fil des voyages risque de rester lettre morte sans une exécution des accords de coopération rapide et rigoureuse. Le chef de l’État joue-t-il sa crédibilité sur la capacité de son administration à concrétiser ces promesses diplomatiques ?
Depuis son accession au pouvoir, la diplomatie congolaise a été marquée par une frénésie de déplacements et de paraphes, du Burundi au Qatar, en passant par les États-Unis et le Kazakhstan. Cette stratégie, visant à diversifier les alliances et à rompre avec un certain isolement, a abouti à une myriade d’ententes couvrant des domaines aussi variés que la défense, les mines, l’agriculture, les technologies ou les infrastructures. Pourtant, derrière cette vitrine d’une RDC ouverte sur le monde se cache un défi de taille : la traduction de ces textes en bénéfices tangibles pour la population. La communication du président lors de ce Félix Tshisekedi Conseil des ministres vise précisément à combler ce fossé entre l’intention et la réalisation.
Pour Félix Tshisekedi, l’enjeu dépasse la simple bonne exécution des contrats. Il a longuement détaillé les retombées attendues de ces partenariats, les érigeant en leviers indispensables pour la souveraineté économique RDC. Accès à des financements innovants, transfert de technologies avancées, diversification économique par l’industrialisation, renforcement de la sécurité nationale, création d’emplois : la litanie des bénéfices promis dessine les contours d’une transformation structurelle tant attendue. Mais cette projection optimiste contraste avec la lourdeur souvent observée de la machine étatique. La question qui se pose est de savoir si l’appareil gouvernemental, parfois miné par des lourdeurs bureaucratiques et des chevauchements de compétences, est capable de porter une telle ambition.
Conscient de ces écueils, le Président de la République a instruit une coordination étroite entre la Primature, la Présidence et les ministères sectoriels concernés. L’objectif affiché est d’éviter tout retard ou conflit de responsabilités qui paralyserait la mise en œuvre. Il a surtout chargé la Première ministre de superviser l’élaboration, par chaque ministère, d’une feuille de route opérationnelle détaillant les actions prioritaires, les indicateurs de performance, les besoins en financement et les échéances. Cette injonction à la planification minutieuse révèle une défiance certaine envers la capacité d’auto-organisation des départements ministériels. Une manière implicite de reconnaître que, sans un pilotage ferme depuis le sommet de l’État, la dispersion des efforts guette.
Cette insistance présidentielle sur le suivi et l’évaluation ne doit pas être lue comme un simple rappel à l’ordre managérial. Elle comporte une dimension politique cruciale. À l’approche d’échéances électorales futures, la capacité du pouvoir à démontrer des réalisations concrètes issues de sa diplomatie active devient un capital politique essentiel. L’échec à transformer ces accords en progrès visibles pour « la vie de nos concitoyens », selon les mots du président, pourrait être interprété comme l’incapacité du régime à honorer ses promesses internationales, affaiblissant du même coup sa légitimité tant sur la scène intérieure qu’extérieure.
Le véritable test pour le gouvernement de la RDC commence donc maintenant. La multiplication des accords internationaux RDC a posé les bases d’un réseau de coopération ambitieux. Le défi est désormais d’en faire des outils effectifs de développement et de souveraineté économique RDC. La balle est dans le camp des ministres concernés, qui devront faire preuve d’une efficacité inhabituelle pour répondre à l’injonction présidentielle. Le prochain Conseil des ministres, et ceux qui suivront, seront jugés à l’aune des progrès enregistrés sur ces feuilles de route. La crédibilité de toute la diplomatie économique de Félix Tshisekedi en dépend. Dans ce jeu à haut risque, le chef de l’État a clairement indiqué qu’il ne tolérerait plus les lenteurs bureaucratiques, plaçant son gouvernement face à ses responsabilités les plus concrètes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
