Une onde de choc parcourt le territoire de Walikale, dans la province troublée du Nord-Kivu. Depuis quatre jours, une opération de déplacement forcé orchestrée par les rebelles de l’AFC-M23 vide le village Kateku et ses environs. Des centaines de familles sont contraintes d’abandonner leurs maisons, leurs champs et leur vie, sur ordre des hommes armés. Les motifs avancés ? Des raisons sécuritaires, dans une zone déjà ravagée par des années de conflit.
Les témoignages recueillis auprès des sources locales dépeignent un tableau de désolation. Les habitants du groupement Ikobo fuient en masse, poussés par la crainte et la coercition. Cette relocalisation imposée, qualifiée de « violation grave des droits humains » par la société civile de Walikale, plonge des communautés entières dans une précarité extrême. Mais que cache réellement cette décision des rebelles ? S’agit-il d’une mesure de protection ou d’une stratégie visant à vider un territoire pour mieux le contrôler ?
Certaines sources sécuritaires, sous couvert d’anonymat, évoquent un contexte de tensions exacerbées. Les attaques répétées des miliciens Wazalendo dans la zone de Walikale seraient à l’origine de cette réaction radicale de l’AFC-M23. En déplaçant les civils, les rebelles chercheraient-ils à créer un no man’s land, une zone tampon les protégeant de leurs adversaires ? Cette logique militaire, si elle existe, se fait au prix exorbitant de la sécurité et de la dignité des populations.
« On se rappelle encore bien que dans le village de Pumbi, ils avaient fait encore la même chose. Et après, nous avions enregistré les cas d’assassinats, de massacres et de tueries de plus de vingt civils », alerte Fiston Misona, président de la société civile locale. Son avertissement est lourd de sens. L’histoire se répèterait-elle à Kateku ? Le traumatisme des déplacements passés, marqués par des violences extrêmes, revient en mémoire et alimente une angoisse légitime. Le risque de dégâts collatéraux est immense, notamment sur le plan éducationnel et sanitaire, pour des populations déjà vulnérables.
Cette situation illustre une fois de plus le cercle vicieux de la violence au Nord-Kivu. Les civils se retrouvent pris en étau entre différents groupes armés, leurs droits fondamentaux bafoués, leur vie suspendue à des décisions qu’ils ne contrôlent pas. Le déplacement forcé n’est pas seulement un changement de lieu ; c’est une rupture brutale avec les moyens de subsistance, l’accès aux soins, et la scolarisation des enfants. Les champs abandonnés à Kateku signent la condamnation à une insécurité alimentaire certaine pour les mois à venir.
La communauté internationale et les autorités congolaises sont-elles informées de cette nouvelle crise humanitaire qui se joue dans l’indifférence relative du village Kateku ? Les mécanismes de protection des civils, pourtant régulièrement invoqués, semblent une fois de plus impuissants face à la réalité du terrain. L’opération menée par les rebelles AFC-M23 met en lumière l’urgence de solutions durables pour la sécurité dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Alors que les familles errent à la recherche d’un abri précaire, les questions sur leur avenir immédiat restent sans réponse. Où vont-elles s’installer ? Comment vont-elles se nourrir ? Qui les protégera ? L’épisode du village Kateku s’inscrit dans la longue liste des exactions qui minent la région, rappelant que la paix et la stabilité sont des objectifs lointains tant que les civils restent les premières victimes de calculs stratégiques. La condamnation ferme de la société civile sera-t-elle suffisante pour faire bouger les lignes ? L’histoire récente du Nord-Kivu laisse peu de place à l’optimisme.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
