La forêt congolaise, poumon vert de l’Afrique, étouffe sous les coups de la déforestation. Chaque année, des milliers d’hectares partent en fumée, alimentant la production insoutenable de charbon de bois. Mais au cœur de la Tshopo, une lueur d’espoir perce l’ombre des troncs abattus : le premier sac de charbon vert vient d’y voir le jour. Produit à partir d’acacia cultivé dans les plantations villageoises de Yangambi, cette innovation représente un bouclier potentiel contre la destruction accélérée des écosystèmes. Comment cette alternative durable peut-elle inverser la tendance tragique de la déforestation en RDC ?
Ce charbon durable n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat de six années de patience et de travail, le temps nécessaire pour que l’acacia, un arbre à croissance rapide, atteigne sa maturité. Sa plantation et son utilisation ciblée pour la carbonisation offrent une réponse concrète à l’urgence écologique. Porté par le Centre international pour la recherche forestière (CIFOR) et le Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF), avec l’appui financier de l’Union européenne, du Royaume-Uni et du secteur privé, ce projet vise à restructurer toute la chaîne de valeur du bois-énergie dans la région. L’objectif est clair : réduire la pression sur les forêts naturelles en proposant une source de combustible renouvelable et accessible.
La remise officielle du premier sac au gouvernement provincial, via le ministère provincial de l’Énergie, symbolise un pas institutionnel crucial. Mais derrière ce geste, c’est tout un modèle économique et social qui se met en place. L’initiative repose sur un pilier fondamental : l’encadrement des communautés locales. Celles-ci, souvent contraintes de pratiquer une carbonisation prédatrice par manque d’options, sont formées à planter ces acacias et à perfectionner leurs techniques de production. « Un engagement commun de toutes les parties prenantes devrait contribuer à des impacts positifs pour la population ainsi que pour la forêt », affirme le Dr Jolien Schure du CIFOR-ICRAF. Cette approche collaborative est essentielle pour garantir la pérennité du projet et son ancrage dans le territoire de la Tshopo.
Sur le terrain, les premiers retours sont éloquents. Heradi Selemani, président de l’association des producteurs de charbon de bois durable, témoigne : « Nous avons coupé 62 acacias sur les 188 marqués sur un quart d’hectare pour alimenter un four de 6 mètres. » La différence ? Ces arbres coupés seront rapidement remplacés grâce à leur croissance fulgurante, un cycle vertueux impossible avec les essences forestières traditionnelles, dont la régénération prend des décennies. Cette rapidité de renouvellement est la clé de voûte du charbon vert. Elle transforme le producteur en gardien de la ressource plutôt qu’en son fossoyeur, brisant enfin le lien fatal entre énergie domestique et destruction des forêts.
L’enthousiasme gagne même les sphères décisionnelles. Bernard Lotika, représentant du ministre provincial de l’Énergie, promet un soutien actif du gouvernement et annonce la création prochaine d’un site dédié au négoce du bois-énergie durable. Une telle plateforme pourrait structurer la filière, offrir des débouchés stables aux producteurs et amplifier l’impact environnemental. Imaginez : une économie locale florissante basée sur la préservation plutôt que sur la destruction. Le charbon vert de Tshopo n’est donc pas qu’un simple combustible ; c’est un outil de transformation socio-écologique, une graine plantée aujourd’hui pour les forêts de demain.
Pourtant, les défis restent immenses. La déforestation en RDC est une hydre aux multiples têtes : besoins énergétiques d’une population croissante, exploitation illégale, conversion des terres pour l’agriculture. Le charbon durable, s’il est prometteur, ne sera une solution globale que s’il s’accompagne d’une politique énergétique plus large et d’un contrôle renforcé des forêts. Mais chaque action compte. En offrant une alternative viable et rentable, ce projet démontre qu’il est possible de concilier développement humain et préservation des écosystèmes. Les océans verts du Congo peuvent-ils retrouver leur souffle ?
La route est longue, mais le premier sac de charbon vert est un signal fort. Il prouve que l’innovation, couplée à la volonté des communautés et des institutions, peut infléchir la courbe tragique de la déforestation. Pour la Tshopo et pour toute la République Démocratique du Congo, c’est peut-être le début d’une nouvelle histoire, où le feu qui cuisine les repas ne ronge plus inexorablement le patrimoine forestier. L’avenir se joue maintenant, dans ces plantations d’acacia qui poussent à la fois vers le ciel et vers un avenir où l’homme et la forêt pourront enfin coexister en harmonie. La bataille pour le poumon de l’Afrique est engagée, et chaque sac de charbon vert en est un rempart.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net
