Dans un contexte où la représentation féminine dans les arènes décisionnelles congolaises reste en deçà des attentes, le Centre culturel Andrée-Blouin a initié, ce mercredi 10 décembre, un débat d’une brûlante actualité. Cette discussion ouverte, consacrée à l’impact de la participation des femmes en politique RDC sur la justice sociale et la gouvernance, a réuni une dizaine de participants, soulignant à la fois l’intérêt et le chemin restant à parcourir pour une véritable inclusion.
Animée par Pascal Muteba Manyi, administrateur du centre, la rencontre se positionnait délibérément dans l’héritage des figures historiques. Le conférencier a magistralement rappelé le parcours de la panafricaniste Andrée Blouin, qui, dans un milieu politique notoirement masculin, a influencé les débats sur la décolonisation aux côtés de géants comme Lumumba. « Son engagement doit nous rappeler que les femmes ont un rôle déterminant à jouer », a-t-il martelé, établissant un pont direct entre les combats d’hier et les défis contemporains de la justice sociale gouvernance. Mais dans les faits, ce pont est-il vraiment emprunté ?
Les échanges ont naturellement glissé vers une analyse sans concession de la place actuelle des femmes dans la sphère politique congolaise. Les participants se sont interrogés : les héritières des Andrée Blouin sont-elles visibles, et si oui, sont-elles suffisamment soutenues ? Le nom de Mme Munana Aziza a fusé, citée comme exemple de ces femmes leaders Congo dont le parcours mériterait une plus grande exposition. Cette évocation met en lumière le paradoxe congolais : une profusion de talents féminins souvent relégués en second plan, cantonnés à des rôles de figurantes dans un scénario politique qu’elles ne rédigent pas.
Pascal Muteba Manyi n’a pas mâché ses mots, appelant à un engagement plus substantiel et moins intéressé. « N’hypothéquez pas la chose publique pour des intérêts subjectifs », a-t-il lancé, dans une critique à peine voilée des pratiques clientélistes qui gangrènent parfois l’action publique, y compris au sein de la gent féminine. Son plaidoyer pour un service tourné vers le bien commun et un impact durable résonne comme un manifeste pour une nouvelle génération de politiciennes. Mais comment transformer cet idéal en réalité tangible, dans un système où les logiques de pouvoir traditionnelles restent si ancrées ?
L’appel à développer des compétences pour s’affirmer « au-delà des clichés » est, à cet égard, révélateur. Il sous-entend que le combat pour les femmes leaders Congo ne se gagne pas seulement par des quotas ou des déclarations d’intention, mais par un travail acharné de professionnalisation et de conquête légitime des espaces de pouvoir. Le centre Andrée-Blouin, par cette initiative, positionne le débat politique femmes non comme une question annexe, mais comme le cœur battant d’une refondation démocratique et équitable de la société.
Au final, cette table ronde dépasse le simple cadre d’une commémoration. Elle agit comme un miroir tendu à la classe politique congolaise, toute entière. La référence à Andrée Blouin n’est pas un simple hommage nostalgique ; c’est un étalon, une mesure de l’écart entre l’idéal panafricaniste d’émancipation et la réalité parfois décevante du partage du pouvoir. L’impact sur la justice sociale gouvernance promis par une plus grande participation des femmes en politique RDC reste conditionné à une rupture : celle qui verra les femmes non plus comme des participantes invitées, mais comme des architectes à part entière du destin national. Le chemin est encore long, mais chaque débat de ce type en dessine un peu plus le tracé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
