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Article 64 : la Constitution congolaise justifie-t-elle la rébellion du M23 ?

Alors que les violences persistent dans l’Est de la République Démocratique du Congo, portées par la rébellion du M23, un débat constitutionnel refait surface avec une acuité particulière. Le groupe armé, comme d’autres avant lui, invoquerait l’article 64 de la Constitution de 2006 pour légitimer son action insurrectionnelle. Cette disposition, souvent brandie comme un étendard juridique, soulève une question fondamentale : consacre-t-elle un droit à l’insurrection au Congo, ou au contraire, trace-t-elle une ligne rouge infranchissable ? L’utilisation de ce texte comme justification de la rébellion M23 ouvre une boîte de Pandore de l’interprétation juridique et de la realpolitik.

Le texte constitutionnel est pourtant d’une clarté apparente. Il stipule que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ». Cette phrase, extraite de l’article 64 constitution RDC, est au cœur de toutes les exégèses. Pour de nombreux constitutionnalistes, elle instaure ce qu’on appelle le droit de résistance à l’oppression, un principe philosophique et juridique ancré dans l’histoire des démocraties. Il s’agit d’une « sanction juridique inorganisée », c’est-à-dire un mécanisme reconnu par le droit positif mais dont les modalités pratiques d’application ne sont pas codifiées. En d’autres termes, la Constitution reconnaît la légitimité du combat contre un pouvoir usurpé ou tyrannique, sans pour autant en dessiner le mode d’emploi, laissant cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’État de droit.

C’est précisément dans ce flou opérationnel que s’engouffrent les mouvements rebelles. La rébellion M23 constitution trouve dans cet article une forme de légitimation a posteriori de sa lutte armée. Son narratif s’articule autour de l’idée d’un gouvernement de Kinshasa qui exercerait le pouvoir « en violation des dispositions » de la loi fondamentale, justifiant ainsi le « devoir » de lui faire échec. Cette interprétation, si elle est séduisante pour ses promoteurs, fait-elle le poids face à la lettre et à l’esprit du texte ? La Constitution, dans un savant équilibre, pose immédiatement un garde-fou absolu. L’alinéa 2 de ce même article 64 prévient : « Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi ».

Ici réside toute l’ambiguïté et le cœur du débat politique actuel. Où s’arrête le « devoir de faire échec » et où commence la « tentative de renversement du régime constitutionnel » ? Le gouvernement central, s’appuyant sur cet alinéa 2, criminalise évidemment l’action du M23, la qualifiant de tentative de déstabilisation et d’atteinte à l’intégrité nationale. La rébellion, elle, se présente en justicier constitutionnel. Ce face-à-face juridique masque en réalité une bataille pour la narration et la souveraineté. L’invocation de l’article 64 de la Constitution 2006 par des groupes armés n’est-elle pas, in fine, la preuve de l’échec des voies démocratiques et institutionnelles pour régler les contentieux politiques profonds qui minent l’Est du pays ?

Le président et son gouvernement jouent un jeu dangereux en laissant ce vide interprétatif persister. D’un côté, un État faible qui peine à assurer la sécurité et à incarner une autorité légitime et respectueuse des droits sur l’ensemble du territoire offre, malgré lui, des arguments à ses détracteurs armés. De l’autre, une rébellion qui instrumentalise un principe noble – la résistance à l’oppression – pour couvrir des ambitions géopolitiques et économiques bien moins avouables. Cette situation crée un précédent inquiétant où la Constitution 2006 article 64 devient une arme à double tranchant, pouvant être brandie par tout groupe mécontent pour justifier la prise d’armes, sapant ainsi les fondements mêmes de l’État qu’elle est censée protéger.

La conclusion de cette équation complexe oriente inévitablement vers les prochains enjeux. La communauté juridique et politique congolaise se doit d’opérer un clarifi cation urgente sur la portée réelle de cet article. Faut-il le réformer, le préciser, ou au contraire renforcer les institutions pour qu’aucun groupe ne se sente le besoin d’en invoquer l’esprit ? La stabilisation de l’Est et la crédibilité de l’État passent par la capacité à trancher ce nœud gordien. La pérennité du droit à l’insurrection au Congo comme concept purement défensif est conditionnée à la construction d’un État de droit incontestable. Dans le cas contraire, l’article 64 restera non pas un bouclier pour le peuple, mais un prétexte commode pour toutes les insurrections, légitimes ou non, plongeant le pays dans un cycle sans fin de violence et de contestation armée de l’autorité.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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