Une onde de choc traverse l’est de la République démocratique du Congo suite à l’appel lancé par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) aux factions des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). L’ultimatum est clair : déposer les armes et se rendre aux autorités congolaises ou à la MONUSCO en vue d’un rapatriement vers le Rwanda. Cette démarche, présentée comme une mise en œuvre des engagements internationaux, a immédiatement généré de vives tensions, révélant la complexité des équilibres sécuritaires dans la région.
Le récent rapport du Groupe d’experts des Nations unies sur la RDC confirme que cet appel à la reddition, publié le 10 octobre 2025, a profondément destabilisé les relations de fait sur le terrain. L’avertissement des FARDC était sans équivoque : un refus d’obtempérer entraînerait un désarmement forcé. Dans la foulée, les populations locales et les éléments de l’armée régulière ont été sommés de cesser toute collaboration avec le groupe armé. Cette annonce brusque a suscité une méfiance immédiate au sein des FDLR et a même créé des frictions avec certaines factions des groupes d’autodéfense locaux, les wazalendo.
Face à l’ampleur des réactions, une intervention au plus haut niveau a été nécessaire. Selon le document onusien, des officiers des FARDC et des représentants du gouvernement ont dû multiplier les contacts pour rassurer les FDLR quant à la poursuite d’une coopération opérationnelle. Cette situation paradoxale met en lumière un dilemme stratégique majeur : les FARDC reconnaissent elles-mêmes ne pas disposer des capacités opérationnelles et de la portée nécessaires pour neutraliser militairement les FDLR dans l’immédiat. Comment alors concilier une posture offensive affichée avec la réalité des dépendances tactiques sur le terrain ?
Le contexte de cette initiative est crucial. Elle s’inscrit dans le cadre strict de la mise en œuvre des Accords de Washington, conclus entre Kinshasa et Kigali sous médiation américaine. La RDC s’y est engagée à neutraliser les groupes armés considérés comme une menace par le Rwanda, au premier rang desquels figurent les FDLR. Kigali qualifie ce groupe de « forces génocidaires » et l’accuse régulièrement de collusion avec l’armée congolaise. En contrepartie, le Rwanda est censé procéder au retrait de ses troupes du territoire congolais et lever ses « mesures défensives » en appui au M23.
La publication du communiqué signé par le général-major Sylvain Ekenge, porte-parole des FARDC, marque ainsi un durcissement théorique de la politique sécuritaire congolaise. Elle fait suite à l’adoption, le 1er octobre, d’un ordre opérationnel par le Comité conjoint de supervision de l’accord bilatéral. Pour assurer le succès de cette nouvelle orientation, les autorités militaires ont également mis en garde les populations civiles, les appelant à une rupture nette avec les FDLR et à œuvrer pour une reddition sans condition des combattants.
Cette séquence illustre les tensions profondes qui persistent dans l’Est de la RDC. D’un côté, une pression diplomatique et des engagements formels poussent à une action décisive contre les FDLR. De l’autre, les réalités du terrain, faites d’alliances fluctuantes et de capacités militaires limitées, imposent une prudence opérationnelle. La reddition des combattants, si elle devait se matérialiser, représenterait un tournant majeur. Mais le chemin pour y parvenir semble semé d’embûches, entre méfiance réciproque et calculs stratégiques.
La suite des événements est désormais scrutée par la communauté internationale. La capacité des FARDC à imposer cette nouvelle ligne sans provoquer un regain de violence généralisée constitue un test décisif. La mise en œuvre effective des Accords de Washington, dont l’équilibre repose sur des actions simultanées et vérifiables, en dépend largement. Les prochaines semaines diront si cet appel à la reddition restera une déclaration d’intention ou se transformera en un processus concret, capable d’apaiser durablement les tensions dans cette région meurtrie.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
