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Affaire Lumbala à Paris : les trophées de guerre mutilants de l’ALC dévoilés à la barre

La Cour d’assises de Paris a été le théâtre, ces derniers jours, de témoignages d’une rare gravité dans le cadre de l’affaire instruite contre Roger Lumbala. Des récits détaillés, émanant tant d’anciens militaires que de cadres politiques, ont mis en lumière les atrocités commises durant l’opération militaire dénommée “Effacer le tableau” dans le nord-est de la République Démocratique du Congo au début des années 2000. Ces audiences, scrutées par la communauté internationale, soulèvent des questions brûlantes sur l’impunité persistante entourant les crimes de guerre RDC et la responsabilité des commandants.

Un officier de l’armée congolaise, en poste aujourd’hui dans une administration fiscale à Kinshasa, a rompu un long silence devant les magistrats parisiens. Son récit a corroboré des allégations anciennes, décrivant avec une précision glaçante les pratiques des soldats de l’Armée de Libération du Congo (ALC), alors sous les ordres de Constant Ndima. Selon sa déposition, les militaires procédaient à des mutilations systématiques sur les corps de leurs adversaires tombés au combat, prélevant des organes génitaux qu’ils ramenaient ensuite à Isiro pour les exhiber comme de macabres trophées de victoire. Ce témoignage direct confère une dimension concrète et insoutenable aux accusations portées depuis des années.

La crédibilité de ces affirmations a été renforcée par la déposition d’un ancien cadre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N) de Roger Lumbala, devenu par la suite député pendant la période de transition. Ce témoin-clé a confirmé avoir assisté, depuis Isiro, au retour de ces troupes et à l’exhibition de ces trophées. Devant une salle d’audience attentive, il a rapporté les paroles échangées à l’époque : « Un jour nous sommes à Isiro, on apprend que les troupes de Mbusa Nyamwisi étaient à 18 Km. Ndima est passé à la résidence de chaque cadre, récupère les gardes et les renvoie au front. On avait vu des militaires revenir du front avec les sexes des militaires. On nous a dit que c’était des mai-mai qui étaient tombés dans l’embuscade de Ramsès. Ce sont les troupes de Ramsès qui étaient revenues avec ces organes. »

Le témoin a toutefois ajouté un élément notable, affirmant que Roger Lumbala, alerté par des religieuses horrifiées, aurait donné l’instruction de faire cesser ces pratiques. « Les sœurs religieuses sont allées voir Lumbala et lui dire que ce n’était pas correct et Lumbala a fait l’instruction d’arrêter ces choses. Il n’y a jamais eu de procès autour de ça », a-t-il déclaré. Cette précision, si elle est avérée, est doublement significative : elle suggère d’une part que l’accusé avait une connaissance directe des agissements de ses troupes, et d’autre part qu’il détenait une autorité suffisante pour tenter d’y mettre un terme. Comment, dès lors, interpréter l’absence totale de poursuites disciplinaires ou judiciaires à l’encontre des auteurs ?

Ces témoignages Paris résonnent sinistrement avec les conclusions documentées du célèbre rapport Mapping des Nations Unies. Ce document fondateur, qui a cartographié plus de 600 violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC entre 1993 et 2003, consacre un chapitre entier aux exactions de l’ALC. Il relate spécifiquement que, « pendant et après les combats, entre le 31 juillet et le 2 août 2002, les éléments de l’ALC participant à l’opération “Effacer le tableau” ont torturé, mutilé et tué au moins 16 combattants de l’APC mis hors de combat ainsi qu’un nombre indéterminé de civils, dont des femmes et des enfants. Les militaires de l’ALC ont utilisé les organes de certaines de leurs victimes (sexe et oreilles) comme trophées de guerre et les les ont montrés à la population d’Isiro. » La concordance entre les dépositions orales et le rapport écrit d’enquêteurs internationaux confère un poids considérable à l’accusation.

L’évocation de ces faits dans le prétoire parisien a provoqué une vive émotion parmi les parties civiles. Une victime présente dans la salle a commenté, à l’issue de l’audience, que l’affirmation selon laquelle Lumbala avait ordonné l’arrêt des mutilations démontrait précisément son influence sur les militaires. « Il avait donc le pouvoir d’empêcher d’autres crimes », a-t-elle souligné, une remarque qui pose crûment la question de la responsabilité du commandement. Les débats ont ainsi mis en lumière le fossé abyssal entre une instruction théorique donnée à la hâte et la réalité d’une impunité qui a perduré, laissant les victimes sans justice pendant près de deux décennies.

L’affaire Lumbala devant la Cour d’assises de Paris représente donc bien plus qu’un procès individuel. Elle agit comme un révélateur puissant des mécanismes de la violence durant les conflits qui ont déchiré l’est de la RDC. Les mutilations soldats ALC décrites ne sont pas des actes isolés de barbarie, mais s’inscrivaient dans une stratégie de terreur visant à annihiler l’ennemi et à asseoir une domination par la cruauté. La lente marche vers la justice, matérialisée par ces audiences en France, ouvre-t-elle enfin la voie à une vérité judiciaire longtemps étouffée ? La suite des débats, qui doit entendre d’autres témoins et les réquisitions du parquet, permettra de déterminer dans quelle mesure la justice pénale internationale peut contribuer à briser le cycle de l’impunité pour les crimes les plus graves.

Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd

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