Une onde rythmique parcourt Kinshasa, portée par le battement puissant d’un symbole culturel renaissant. Une année après son inauguration, le Centre Culturel et Artistique pour les Pays de l’Afrique Centrale (CCAPAC), baptisé Le Grand Tambour, entre en résonance avec l’histoire elle-même. Du 1er au 14 décembre 2025, l’institution célèbre son premier anniversaire, une festivité qui se marie harmonieusement à la commémoration du quatrième anniversaire de l’inscription de la rumba congolaise au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Ces deux dates, entrelacées comme les mélodies d’un orchestre, racontent une même histoire : celle de la vitalité retrouvée d’une culture qui refuse de se taire.
Comment un lieu peut-il, en si peu de temps, s’ériger en cathédrale des arts et de la mémoire collective ? Le Grand Tambour offre une réponse éclatante. En une année, cette agora moderne s’est imposée comme un phare incontournable de la scène culturelle congolaise, dédié à la création africaine, aux arts vivants et aux échanges intellectuels. Sous le thème évocateur « Célébrons le Grand Tambour », cette première édition anniversaire propose une plongée sensorielle dans un patrimoine vibrant. Concerts, projections cinématographiques, expositions visuelles, panels réflexifs et festivités populaires tissent une trame riche où l’art devient dialogue.
Au cœur de cette symphonie organisée bat le nom d’une légende : Sam Mangwana. L’icône de la rumba congolaise est la figure centrale d’un programme spécial intitulé « Le Maître de la Rumba », lui conférant une dimension symbolique profonde. Sa présence n’est pas un simple apparat ; elle est l’incarnation vivante d’un héritage, le pont entre la gloire passée de la rumba et son avenir prometteur. Les organisateurs, lors d’une conférence de presse, ont souligné avec justesse que ces célébrations croisées témoignent de l’ambition des institutions culturelles congolaises de faire rayonner ce patrimoine bien au-delà des frontières nationales. La rumba n’est plus seulement une musique ; elle est une ambassadrice, une diplomate des sentiments.
Les activités, débutées en douceur, montent progressivement en intensité. Depuis le 7 décembre, une émission spéciale « Karibu Variété » a retracé la carrière du « Pigeon Voyageur », plongeant les auditeurs dans les décennies de contribution de Sam Mangwana à la rumba internationale. Le 11 décembre, le maître animera une masterclass exceptionnelle, un moment rare de transmission où la technique se mêlera à l’anecdote, suivi d’un brunch artistique « Mukishi wa Pwo » et d’un panel réunissant chercheurs et artistes autour de l’histoire de la rumba. N’est-ce pas là l’essence même de la culture : ce va-et-vient perpétuel entre la pratique et la réflexion ?
La journée du 12 décembre sera une ode aux arts vivants, avec une cérémonie officielle, des prestations de danses traditionnelles et contemporaines, et un grand concours interscolaire « Jeunes Talents et Culture ». Cette initiative cruciale vise à encourager la relève et à renforcer le lien essentiel entre les écoles et les institutions culturelles. Car un patrimoine qui ne se transmet pas est un patrimoine qui s’éteint. Le 13 décembre marquera un point d’orgue avec une exposition numérique explorant la genèse du Grand Tambour, prélude au grand concert événement de Sam Mangwana. Ce soir-là, la salle vibrera aux accents de « Fatimata », « Georgette », « Maria Tebbo » ou « Ambiance », une plongée nostalgique et joyeuse dans l’âge d’or de la musique congolaise.
Né à Kinshasa de parents angolais, Sam Mangwana est une figure panafricaine. Sa voix, entre l’alto et la basse, et sa maîtrise de multiples langues (portugais, lingala, swahili, français, anglais) font de lui un artiste unique, un chantre de la diversité culturelle du continent. Ses collaborations avec Tabu Ley Rochereau et Franco Luambo ont écrit les plus belles pages de la rumba congolaise. Son concert au CCAPAC sera bien plus qu’une performance ; ce sera une affirmation, un acte de résistance joyeuse par la mélodie.
La clôture, le 14 décembre, viendra conclure cette effervescence par plusieurs panels, la projection du film « Rumba Kings » et un gala « 1 An ». Ces deux semaines, bien au-delà de la simple célébration, dessinent une feuille de route pour l’avenir culturel de la région. Le Grand Tambour n’est pas qu’un bâtiment ; il est devenu en un an l’écrin et le catalyseur des aspirations artistiques de toute une nation. À l’heure où le monde cherche des repères, la République Démocratique du Congo rappelle, par le rythme et la poésie, qu’elle en possède d’inépuisables.
Alors que les derniers échos de la fête se dissiperont dans la nuit kinoise, une certitude demeurera : le battement du Grand Tambour résonne désormais comme le pouls régulier d’une culture en pleine renaissance. Entre hommage à un patrimoine classé par l’UNESCO et transmission aux jeunes générations, le CCAPAC a su, en un an, trouver sa partition unique dans la grande symphonie des arts africains.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
