« Nous avons vu les flammes lécher le ciel, tout ce que nous avions construit pour faire avancer le chantier est parti en fumée en quelques heures », témoigne, la voix empreinte d’amertume, un technicien présent sur le site du barrage de Katende. Dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 décembre, un violent incendie a entièrement consumé la base vie du chantier du barrage hydroélectrique de Katende, situé dans le territoire de Dibaya, au Kasaï Central. Cet incident grave frappe de plein fouet le projet porté par la société indienne Angelique International Limited, plongeant l’avenir de cette infrastructure stratégique dans l’incertitude.
Les faits sont aussi brutaux que les images laissées par les flammes. Le feu s’est déclaré au cœur des bâtiments abritant les ingénieurs et techniciens, réduisant en cendres bureaux, dortoirs et équipements de première nécessité. L’intervention rapide des équipes présentes a permis d’évacuer les lieux sans qu’aucune perte humaine ne soit à déplorer, une maigre consolation face à l’ampleur des dégâts matériels. Comment une telle tragédie a-t-elle pu se produire sur un site aussi surveillé ? Les causes de cet incendie barrage Katende restent pour l’instant un mystère, alimentant toutes les spéculations dans une région où les espoirs de développement sont suspendus à ce chantier.
Les autorités locales, jointes par nos soins, affichent une inquiétude palpable. « Nous prenons cet incident très au sérieux », insiste un responsable administratif de Dibaya. « Des enquêtes ont été immédiatement initiées pour déterminer l’origine exacte de ce sinistre. Ce chantier Katende est d’une importance capitale pour l’électrification du Kasaï. Nous demandons à la population de faire preuve de patience et d’éviter les rumeurs, en attendant les conclusions officielles. » Cette prudence contraste avec l’émotion vive qui parcourt les communautés riveraines, pour qui le barrage représente bien plus qu’un simple ouvrage d’art.
Le projet du barrage hydroélectrique de Katende est, en effet, présenté depuis des années comme le futur poumon énergétique de l’espace Kasaï. Promesse de lumière durable pour des milliers de foyers et d’industries, il cristallise les attentes d’une population souvent laissée dans l’obscurité. Pourtant, son histoire est déjà émaillée de retards et d’aléas. La récente visite présidentielle, destinée à relancer la dynamique, avait été troublée par un phénomène naturel insolite – des essaims d’abeilles, les « Mbulu mbulu » – interprété par certains comme un signe. Aujourd’hui, cet incendie au Kasaï Central vient-il confirmer une forme de malédiction ou n’est-il qu’un accident industriel malencontreux ?
Pour les observateurs, la question dépasse le simple fait divers. Cet événement met en lumière la vulnérabilité des grands projets d’infrastructures en République Démocratique du Congo. La sécurité des sites, la prévention des risques, la transparence dans la gestion des enquêtes : autant de défis que les pouvoirs publics et les entreprises doivent urgemment relever. La destruction de la base vie ne paralyse pas seulement les machines ; elle érode aussi la confiance déjà fragile des populations et des investisseurs.
Quelles seront les conséquences concrètes de cet incendie sur le calendrier déjà serré des travaux ? Le barrage hydroélectrique Katende pourra-t-il surmonter ce nouveau coup du sort ? Alors que les autorités provinciales se font encore discrètes, sans communiqué officiel à ce stade, l’angoisse est grande. Chaque jour de retard signifie des mois supplémentaires sans électricité fiable pour les habitants du Kasaï Central, une région riche en potentialités mais entravée par le manque d’énergie.
Cet incident rappelle cruellement que le développement se construit aussi sur la sécurité et la continuité. Le projet Katende RDC est à un carrefour. Il peut soit sombrer un peu plus dans les limbes des belles intentions inabouties, soit devenir le symbole d’une résilience collective. La balle est désormais dans le camp des autorités et de l’entreprise concessionnaire. Elles devront non seulement reconstruire ce qui a été détruit par les flammes, mais surtout restaurer la foi en un avenir électrique pour le Kasaï. L’enjeu n’est pas seulement de savoir ce qui a brûlé, mais surtout de définir ce qui renaîtra des cendres de cet incendie.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
