Ce samedi 13 décembre 2025, la scène de la Petite Halle de l’Institut Français à Kinshasa s’apprête à vivre un moment de grâce théâtrale, un orage émotionnel ciselé dans le marbre des mots. L’air de la capitale congolaise, déjà chargé d’énergie créatrice, se prépare à vibrer au rythme des répliques acérées de « Sœurs », la création magistrale du dramaturge français Pascal Rambert. Une représentation gratuite, offrande culturelle précieuse, qui promet de transformer la salle en un sanctuaire où se dévoilent les arcanes les plus complexes du lien du sang.
L’œuvre de Rambert, architecte des sentiments et cartographe des silences, explore avec une précision chirurgicale le territoire tumultueux de la fraternité féminine. Ici, les mots ne sont pas de simples dialogues ; ils se muent en armes de dissection massive, en caresses qui brûlent, en vérités qui déchirent le voile des apparences. La pièce orchestre un duel émotionnel entre deux femmes, deux sœurs que les destins ont sculptées différemment, mais que l’invisible cordon ombilical de l’enfance rattache irrémédiablement l’une à l’autre. Chaque scène devient un champ de bataille où s’affrontent l’amour et la rancœur, la proximité et la distance, dans une tension qui électrise l’espace entre elles. Peut-on vraiment se libérer du poids d’une histoire commune ? C’est l’une des questions lancinantes que le texte pose, sans jamais offrir de réponse facile, préférant laisser l’ambiguïté et la profondeur humaine résonner dans l’esprit du spectateur.
Pour incarner ce face-à-face d’une intensité rare, la mise en scène a fait appel à deux forces vives de la scène contemporaine : Tinah Way et Cynthia Marifa. Leur rencontre sur les planches n’est pas un simple jeu d’actrices ; c’est la collision de deux univers interprétatifs, de deux sensibilités qui promettent de donner chair et âme aux non-dits du texte. Leur présence, déjà auréolée par des performances remarquées, annonce une alchimie scénique exceptionnelle. On imagine d’ores et déjà les regards qui se fuient et se croisent, les voix qui tantôt chuchotent des confidences, tantôt claquent comme des verdicts, les corps qui traduisent par leur posture toute la charge d’un passé commun. Cette représentation théâtrale gratuite en RDC est bien plus qu’un spectacle ; c’est un don fait au public, une opportunité unique de se confronter à une œuvre exigeante et magnifique, portée par des interprètes au sommet de leur art.
L’Institut Français, par cette invitation, réaffirme son rôle de passeur culturel essentiel à Kinshasa. La Petite Halle se transformera, le temps d’une soirée, en un laboratoire des émotions humaines. Le dispositif scénique, caractéristique du travail de Rambert, épuré et concentré sur le jeu des comédiennes, va magnifier chaque micro-expression, chaque respiration suspendue. Le public sera pris à parti, témoin impuissant et complice de cette dissection de la relation fraternelle. Il s’agit là d’une expérience de catharsis moderne, où les blessures familiales, les jalousies rentrées et l’affection indéfectible sont exposées sans fard, avec une brutalité qui n’exclut pas la tendresse.
Dans le paysage culturel kinois, souvent foisonnant et diversifié, un tel événement fait office de phare. Il rappelle la puissance du théâtre contemporain lorsqu’il est servi par un texte fort et des interprètes de conviction. La représentation de « Sœurs » à Kinshasa n’est pas un simple transfert culturel ; c’est une greffe qui trouve un terreau fertile. Les thématiques universelles de la pièce – l’héritage familial, la quête d’identité au sein d’une fratrie, le pardon – parleront sans aucun doute intimement à chaque spectateur, au-delà des frontières et des cultures. C’est la magie du grand art : rendre l’intime universel et faire écho aux combats silencieux que chacun mène dans le secret de sa propre famille.
Ainsi, samedi soir, les portes de la Petite Halle s’ouvriront sur plus qu’une pièce : sur un miroir tendu à nos propres contradictions affectives. Une soirée exceptionnelle qui s’annonce comme un cadeau inestimable fait aux amateurs de théâtre et aux curieux d’émotions fortes. Un rendez-vous où la langue de Pascal Rambert, à la fois poignard et caresse, résonnera sous les voûtes de Kinshasa, portée par les voix et les corps en fusion de Tinah Way et Cynthia Marifa. Un moment de grâce pure, à ne manquer sous aucun prétexte, pour qui souhaite comprendre comment le théâtre peut, encore aujourd’hui, saisir l’âme humaine et la remuer dans ses profondeurs les plus secrètes.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc
