Le Sénat de la République démocratique du Congo a adopté, ce mardi 9 décembre, le projet de loi portant reddition des comptes pour l’exercice 2024, un vote unanime qui masque mal les déséquilibres financiers révélés par l’examen approfondi de la commission Économique, financière et Bonne gouvernance (ÉCOFIN-BG). Cette adoption de la loi finances publiques par le Sénat, intervenant après l’approbation des conclusions d’un rapport accablant, scelle l’analyse officielle d’une gestion budgétaire pour le moins contrastée. Le président de la commission, le sénateur Célestin Vubandi, a exposé des chiffres qui dessinent les contours d’un déficit pouvoir central 2024 substantiel, soulignant à la fois les lacunes de la perception et les excès de la dépense.
Les recettes du pouvoir central, initialement prévues à 44 410 milliards de francs congolais, n’ont été réalisées qu’à hauteur de 35 514 milliards, soit un taux de réalisation de 79,97 %. En face, les dépenses exécutées atteignent 35 872 milliards, représentant 80,78 % des prévisions. L’écart entre ces deux colonnes se solde par un déficit de 358 milliards de francs congolais. Un trou béant dans les caisses de l’État, dont la persistance interroge sur l’efficacité des mécanismes de contrôle. La reddition des comptes 2024 RDC, exercice constitutionnel par excellence, devient ainsi le miroir sans fard des dysfonctionnements chroniques de l’administration financière.
Mais au-delà des agrégats macroéconomiques, le diable se cache dans les détails. Le rapport, présenté en plénière par Vicky Katumwa et Alexis Mondonge, met en lumière des cas de surconsommation budgétaire ministères qui frisent le scandale. Comment expliquer, par exemple, que la rubrique « Équipements et mobiliers » ait été consommée à 456,48 % de son allocation initiale ? Ou que les équipements militaires aient dépassé de 134 % les montants prévus ? Plus flagrant encore, le ministère des Affaires étrangères a dépensé 822,56 % de son budget, une dérive qui questionne la rationalité des priorités gouvernementales. Le ministère des Sports et Loisirs (289,96 %) et celui des Droits humains (222,35 %) emboîtent le pas de cette curieuse course à la dépense.
À l’inverse, certains secteurs vitaux pour le développement et la souveraineté nationale semblent avoir été délaissés. Les équipements de santé n’ont été consommés qu’à 41,38 %, ceux dédiés à l’agro-sylvo-pastoral à un maigre 6,95 %, et les équipements éducatifs, culturels et sportifs à un taux symbolique de 0,48 %. Cette asymétrie criante dans l’exécution budgétaire dessine une carte des priorités où le protocolaire et le superflu l’emportent trop souvent sur l’essentiel. Le pouvoir central joue-t-il avec le feu en tolérant de tels écarts, au risque de fragiliser davantage la crédibilité de sa politique économique ?
Face à ce constat, la commission ÉCOFIN a formulé une série de recommandations commission ÉCOFIN destinées, en théorie, à colmater les brèches. Elle exhorte la Direction générale des impôts (DGI) à mettre en place des mécanismes contraignants pour assurer la disponibilité des imprimés de valeur, et la DGRAD à privilégier leur production par l’Hôtel de Monnaie. Elle appelle à une rationalisation des dépenses de fonctionnement des comptes spéciaux au profit des investissements. Enfin, et c’est peut-être la recommandation la plus politique, elle somme la Cour des comptes de présenter à l’Assemblée nationale un rapport sur les responsabilités individuelles dans la mauvaise gestion. Une manière de pointer du doigt l’impunité qui trop souvent accompagne les dérives financières.
Le vote final, acquis par 73 voix favorables sur 73 votants, sans opposition ni abstention, illustre la solidarité parlementaire autour d’un texte qui, pour critique qu’il soit, reste un exercice obligé. L’unanimité sénatoriale ne doit cependant pas faire illusion : elle valide un diagnostic sévère, mais laisse en suspens la question de la cure. Le texte, adopté en seconde lecture, sera désormais envoyé au Président de la République pour promulgation, clôturant ainsi formellement l’année budgétaire 2024.
Reste que l’enjeu dépasse la simple formalité législative. Cette reddition des comptes 2024 RDC servira-t-elle de leçon pour les exercices à venir, ou demeurera-t-elle un rapport de plus ajouté aux archives des bonnes intentions ? Les recommandations commission ÉCOFIN, aussi pertinentes soient-elles, parviendront-elles à infléchir les pratiques dans un système où la surconsommation budgétaire semble parfois érigée en mode de gouvernance ? La balle est désormais dans le camp de l’exécutif et des administrations concernées. L’année 2025, avec ses défis économiques et sociaux immenses, sera l’épreuve de vérité. Gageons que la transparence forcée de ce exercice 2024 saura inspirer une gestion plus vertueuse, sous peine de voir le déficit pouvoir central devenir une fatalité politiquement coûteuse.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
