Le parquet de la commune de Matete à Kinshasa retient depuis le lundi 8 décembre 2025 le journaliste Ali Male, directeur général du média en ligne Enquêtenews et présentateur à Kin24, dans le cadre d’une procédure de mise en examen pour des faits qualifiés d’outrage et de trouble à l’ordre public. Placé sous mandat de dépôt provisoire, le professionnel des médias aurait été interpellé après avoir exprimé publiquement des critiques à l’encontre d’un officier supérieur des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).
Selon des sources judiciaires concordantes, l’affaire trouve son origine dans des tensions liées à un établissement de loisirs, un bar dénommé « À suivre », sis dans la commune de Limete et dont le propriétaire serait le colonel Serge Bile. Des riverains et Ali Male lui-même auraient dénoncé à plusieurs reprises les nuisances sonores persistantes générées par cet établissement, portant atteinte à la tranquillité du quartier. C’est dans ce contexte que le journaliste, rapportant ces doléances, aurait été convoqué puis finalement placé en détention par les services du parquet de Matete.
Les conditions de cette interpellation soulèvent de sérieuses questions quant au respect des procédures. Ali Male aurait été privé de liberté pendant plus de vingt-quatre heures avant d’être présenté à un magistrat du parquet. Cette séquence, qualifiée d’arbitraire par ses avocats et plusieurs observateurs, interroge sur le rôle des forces de l’ordre et la manipulation possible de l’appareil judiciaire à des fins de règlement de compte personnel. Comment expliquer qu’une plainte pour trouble de voisinage puisse déboucher sur une privation de liberté aussi rapide et sévère pour un journaliste en exercice ? La ligne entre l’exercice légitime de la liberté d’expression et la répression d’une critique gênante semble ici particulièrement ténue.
Cette arrestation du journaliste Ali Male a immédiatement provoqué un mouvement de solidarité au sein de la profession en République Démocratique du Congo. Plusieurs organisations de défense de la liberté de la presse, ainsi que des confrères, ont exprimé leur vive préoccupation, appelant les autorités judiciaires supérieures à examiner avec la plus grande rigueur les circonstances de cette détention. Ils dénoncent un possible abus de pouvoir, où la fonction et les relations d’un militaire seraient instrumentalisées pour réduire au silence une voix médiatique. La situation met en lumière les pressions continues auxquelles sont soumis les journalistes en RDC, notamment lorsqu’ils couvrent des sujets impliquant des personnalités influentes ou des membres des forces de sécurité.
L’instruction de cette affaire se poursuit actuellement devant le parquet de Matete. Les avocats de la défense ont déposé une requête en mise en liberté provisoire, arguant de l’absence de charges substantielles et du caractère disproportionné de la détention préventive. Le dossier, selon nos informations, devrait être transmis dans les prochains jours à un juge d’instruction pour une enquête plus approfondie. La décision du parquet de maintenir Ali Male en détention provisoire, plutôt que de le laisser sous contrôle judiciaire, est perçue par ses soutiens comme une mesure punitive et intimidante.
Au-delà du cas individuel, cette arrestation d’un journaliste à Kinshasa pose une question fondamentale sur l’état de la liberté de la presse au Congo. L’emprisonnement d’un professionnel des médias pour des motifs aussi flous constitue-t-il un précédent dangereux ? Les garanties légales censées protéger les citoyens contre les arrestations arbitraires semblent, dans cette affaire, avoir été foulées aux pieds. La communauté journalistique et la société civile attendent désormais des éclaircissements de la part des procureurs généraux près la Cour d’appel de Kinshasa et du ministre de la Justice. La crédibilité de l’appareil judiciaire congolais est en jeu, tout comme la confiance des citoyens envers des institutions qui doivent protéger les droits fondamentaux, y compris celui d’informer et de critiquer.
La prochaine audience, qui statuera sur la demande de mise en liberté, sera déterminante. Elle révèlera si la justice congolaise entend prioriser le respect des procédures et la protection des libertés publiques, ou si elle cède à des pressions extérieures. En attendant, Ali Male reste détenu, symbole malgré lui des risques persistants encourus par ceux qui, en RDC, tentent d’exercer leur métier de journaliste avec intégrité et sans crainte.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Eventsrdc
