La déclaration du président Félix Tshisekedi devant le Parlement, ce 8 décembre, accusant le Rwanda de violer l’accord de paix de Washington, a été interprétée par l’opposition comme un aveu d’échec cuisant. Prince Epenge, porte-parole de la plateforme Lamuka, n’a pas manqué de saluer ce qu’il qualifie de « mort-né » diplomatique, mettant en lumière les fissures d’une stratégie de pacification de l’Est de la RDC qui semble avoir atteint ses limites.
Devant les représentants de la nation, le chef de l’état congolais a détaillé les violations rwandaises, pointant du doigt des bombardements au Sud-Kivu dès le lendemain de la signature de l’accord. « Les Forces de défense rwandaises ont conduit des attaques à l’arme lourde depuis la ville rwandaise de Bugarama, provoquant de lourds dégâts matériels et humains », a-t-il affirmé, citant les localités de Kaziba, Katokota et Lubarika. Ces accusations, aussi graves soient-elles, révèlent-elles l’inefficacité fondamentale de l’accord de paix RDC-Rwanda ?
Pour Prince Epenge, ces propos constituent une reconnaissance publique de l’échec de l’accord visant à pacifier l’Est du pays. Dans une déclaration à Kinshasa, le porte-parole de Lamuka a rappelé l’absence de bonne foi de la part du président rwandais Paul Kagame, un acteur que Félix Tshisekedi est pourtant censé connaître. « Il n’y a, à ce stade, ni morale ni bonne foi, ni cessez-le-feu, ni engagements de la part de Paul Kagame », a-t-il insisté, soulignant le caractère illusoire des garanties données. Cette analyse soulève une question cruciale : le président congolais a-t-il sous-estimé la duplicité de son voisin rwandais dans ce conflit persistant ?
Faisant référence à l’homme d’État allemand Bismarck, Epenge a comparé la diplomatie sans armes à « de la musique sans instruments ». Une métaphore forte qui souligne la vulnérabilité de la position congolaise. Pire encore, selon lui, le président a manqué l’occasion de rassembler les Congolais en interne, essentiel pour toute négociation externe. « Toutes les options étant épuisées et aucune des propositions n’ayant conduit à la paix, seul un dialogue national inclusif peut sauver la nation aujourd’hui », a-t-il plaidé, appelant à une refonte complète de l’approche. Cet appel au dialogue national inclusif résonne comme un avertissement face à l’impasse stratégique.
Cet échec de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda pose de sérieuses questions sur la stratégie diplomatique de Kinshasa. Félix Tshisekedi joue-t-il gros en affichant publiquement ces divisions ? L’aveu d’échec, tel que salué par l’opposition, pourrait fragiliser davantage sa crédibilité sur la scène internationale et attiser les tensions dans une région déjà meurtrie par des décennies de conflit. Le conflit dans l’Est de la RDC nécessite-t-il des solutions plus radicales, incluant une cohésion nationale préalable ? Les déclarations du porte-parole de Lamuka mettent en exergue les failles d’une gouvernance qui semble avoir négligé les fondamentaux de l’unité nationale.
Dans une déclaration antérieure, Prince Epenge avait déjà qualifié cet accord de « véritable capitulation économique imposée à la RDC », exigeant sa renégociation. Cette position critique s’inscrit dans une logique de défense des intérêts nationaux, mais interroge sur la capacité du gouvernement à mener des négociations équilibrées. L’échec de l’accord de Washington, perçu comme un revers majeur pour Félix Tshisekedi, ouvre-t-il la voie à une remise en cause plus large de sa politique étrangère ? La gestion du conflit Est RDC devient ainsi un test décisif pour l’administration en place.
À l’heure où les bombardements continuent de secouer le Sud-Kivu, la balle est désormais dans le camp des acteurs politiques congolais. Le dialogue national inclusif prôné par Lamuka apparaît comme une piste, mais sa mise en œuvre requiert une volonté politique que beaucoup jugent absente. Les prochains jours seront cruciaux pour déterminer si la RDC peut se doter d’une stratégie unifiée face au Rwanda, ou si elle s’enlise dans des recriminations stériles. L’échec de l’accord de Washington pourrait bien sonner le glas d’une certaine forme de diplomatie, obligeant à repenser entièrement la gestion de ce conflit régional. La nation congolaise saura-t-elle saisir cette opportunité pour une refondation inclusive, ou continuera-t-elle de subir les soubresauts d’une guerre par procuration ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
