Dans un contexte où les défis sécuritaires du Tanganyika exigent des réponses à la fois militaires et sociales, la visite du Vice-premier ministre, ministre de la Défense nationale et Anciens combattants, Guy Kabombo Muadiamvita, à Kalemie ce dimanche 7 décembre 2025, s’apparente à une opération de communication soigneusement calibrée. Plus qu’une simple inspection technique, cette descente sur le terrain traduit-elle une volonté réelle d’accélérer la modernisation des FARDC, ou s’agit-il avant tout d’un rituel politique visant à rassurer une opinion publique de plus en plus dubitative face à la persistance des crises ?
Accueilli à l’aéroport de Kahinda par le Vice-gouverneur provincial et le général de brigade Eddy Kapend, commandant de la 22ᵉ région militaire, le ministre s’est immédiatement rendu au cœur des opérations : l’état-major de la 221ᵉ base navale du lac Tanganyika. L’objectif affiché était clair : évaluer l’avancement des travaux sur les patrouilleurs, un projet lancé lors d’une mission précédente. Une sortie sur les eaux du lac a permis de tester les équipements en réhabilitation, une démonstration tangible – ou du moins symbolique – des progrès annoncés dans le domaine nautique. Ce volet technique, essentiel pour le contrôle d’un plan d’eau stratégique et historiquement fragile, sert de socle au discours sur la professionnalisation des forces armées.
La suite du programme a conduit Guy Kabombo Muadiamvita au camp marin, siège du 22ᵉ groupement naval, pour un point de situation sécuritaire. Les responsables militaires sur place ont présenté un tableau « globalement calme », une appréciation qu’il convient de nuancer au regard des tensions résiduelles dans la province. Ils ont néanmoins salué les « efforts du ministre » qui auraient permis la relance des opérations sur le lac. Cette gratitude institutionnelle pose question : la modernisation des capacités dépend-elle d’impulsions ministérielles ponctuelles plutôt que d’une stratégie d’État pérenne et budgétairement sécurisée ?
L’aspect le plus politique de cette inspection à Kalemie est sans doute survenu en marge des revues techniques. Le VPM a en effet rencontré des femmes déplacées originaires de Goma et Bukavu, ainsi que les épouses des militaires en garnison. Au nom du président Félix Tshisekedi, il a promis une amélioration de leurs conditions de vie, distribuant des vivres aux premières et une enveloppe de soutien aux secondes. Ce geste, humanitaire en apparence, est lourd de sens politique. Il tente d’établir un lien direct entre la population vulnérable, la troupe et la plus haute hiérarchie de l’État, court-circuitant parfois les échelons administratifs locaux. Une stratégie de légitimation par le contact direct et l’assistance immédiate, dont l’efficacité à long terme reste à démontrer.
Inscrite dans « la vision du Commandant suprême des FARDC » axée sur la modernisation, cette mission mixte – entre vérification opérationnelle et compassion officielle – révèle les multiples facettes du défi sécuritaire en RDC. La réhabilitation de la base navale du Tanganyika est une nécessité tactique indéniable pour sécuriser les voies d’eau et lutter contre les trafics divers. Mais cette démarche technique peut-elle véritablement porter ses fruits sans une amélioration parallèle et substantielle des conditions de vie des militaires et des communautés qu’ils sont censés protéger ? Le ministre Kabombo a-t-il les moyens budgétaires et politiques de ses ambitions affichées ?
La visite du numéro deux du gouvernement congolais à Kalemie apparaît donc comme un exercice d’équilibre. Elle cherche à concilier la nécessaire modernisation des équipements militaires, incarnée par les patrouilleurs du lac, avec la dimension humaine et sociale de la sécurité, représentée par les déplacés et les familles de soldats. En définitive, cette opération sert de vitrine à la politique de défense du régime. L’enjeu désormais sera de transformer ces annonces et démonstrations ponctuelles en une transformation structurelle et durable des FARDC. Le succès ou l’échec de cette entreprise de modernisation sera jugé non pas sur les images d’une inspection, mais sur la capacité réelle de l’armée à garantir une paix durable dans le Tanganyika et au-delà. La balle est désormais dans le camp de l’exécutif pour passer du discours aux actes concrets et financés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
