La voix de Sakombi Moleka Cathy a résonné avec une urgence glaçante dans l’hémicycle de Durban. Alors que la planète étouffe sous les émissions de gaz à effet de serre, une région, l’Afrique australe, subit des conséquences disproportionnées alors qu’elle y contribue à peine. Une injustice climatique criante dont les femmes et les filles paient le prix le plus exorbitant. Tel fut le constat sans concession dressé par la députée nationale de Budjala lors de la 58ᵉ Assemblée plénière du Forum parlementaire de la SADC. Son plaidoyer ? Transformer le leadership féminin en un rempart concret contre le dérèglement du climat.
Les chiffres avancés sont un électrochoc. Soixante millions de personnes en insécurité alimentaire dans la SADC en 2024. Une sécheresse dévastatrice en 2023-2024 qui a affecté 56,8 millions d’individus. Derrière ces statistiques froides, un visage : celui des femmes, qui constituent 70% de la main-d’œuvre agricole de la région. Le changement climatique en RDC et dans les pays voisins n’est pas une abstraction, c’est une machine à broyer les vies, à accentuer les inégalités et à précipiter des générations entières dans le cercle vicieux de la pauvreté. Comment rester insensible face aux milliers de filles contraintes d’abandonner l’école pour parcourir plus de 15 kilomètres par jour à la recherche d’une eau de plus en plus rare ?
Le tableau s’assombrit encore. Les crises alimentaires poussent des familles désespérées à marier leurs filles contre quelques sacs de farine ou du bétail. Dans les camps de déplacés climatiques, les violences basées sur le genre, la traite et les agressions sexuelles explosent. La pandémie du sida est elle aussi exacerbée par ce chaos environnemental : des femmes séropositives doivent interrompre leur traitement antirétroviral, faute de nourriture pour supporter les médicaments. La députée congolaise a donné un nom à ces drames : Mama Tshala, du Kasaï, dont les cinq filles ont quitté les bancs de l’école après trois années de mauvaises pluies ; Florinda, survivante du cyclone Idai au Mozambique, qui avoue parfois renoncer à ses médicaments quand son estomac est vide. Ces témoignages sont les pierres tombales d’un développement anéanti par les caprices d’un climat devenu fou.
Mais Sakombi Moleka Cathy refuse le statut de victime éternelle. Son discours a brillé par une conviction forte : les femmes sont déjà, sur le terrain, les architectes de la résilience. Elle a salué le travail remarquable des associations féminines du Nord-Kivu, en RDC, qui innovent avec des semences résistantes, des cultures diversifiées et des coopératives d’épargne solidaire. Ces initiatives prouvent une évidence : quand on leur en donne les moyens, les femmes possèdent une capacité d’adaptation et d’innovation inégalée pour affronter les chocs environnementaux. Le leadership féminin climat n’est pas un vœu pieux, c’est une force vive qui ne demande qu’à être reconnue et amplifiée.
L’appel final de la parlementaire a été sans équivoque. Il est temps pour les femmes parlementaires de la SADC de passer d’un rôle symbolique à un leadership transformationnel. Elle exige des actes concrets : l’intégration systématique d’une approche genrée dans tous les budgets climat des États membres, une représentation équitable des femmes dans toutes les instances de décision, du village jusqu’aux négociations internationales comme les COP. Elle rappelle l’objectif de parité 50/50 fixé par le Protocole SADC sur le Genre et le Développement d’ici 2030, un objectif qui doit devenir réalité, notamment dans les commissions environnement et climat. L’impact du climat sur les femmes en Afrique doit être le moteur d’une révolution politique inclusive.
Portée par le soutien affirmé de la RDC et du président Félix Tshisekedi, qualifié de « fervent défenseur de la masculinité positive », Sakombi Moleka Cathy a lancé un ultime message d’espoir. Elle souhaite que cette assemblée marque le début d’une ère nouvelle, où les femmes ne seront plus les otages du changement climatique, mais les principales actrices des solutions. La balle est désormais dans le camp des décideurs. L’Afrique australe, et avec elle toute la planète, peut-elle se permettre d’ignorer la moitié de son intelligence et de son courage face à la plus grande menace du siècle ? La réponse, à l’évidence, est non.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd
