Le village Mbeko, situé sur la mythique et souvent fatale RN1, a été le théâtre d’une nouvelle tragédie routière vendredi dernier, venant endeuiller la province du Kwango. Un choc violent entre un véhicule de transport léger et un bus de la compagnie Transco a emporté cinq vies, dont celles de quatre enseignants de la ville de Kenge et d’un agent administratif de l’Institut supérieur pédagogique. Ces fonctionnaires revenaient de Masi-Manimba, dans la province voisine du Kwilu, où ils avaient dû se rendre pour la seule raison de percevoir leur salaire. Ce drame, au-delà de l’horreur routière, soulève une question lancinante : jusqu’à quand les enseignants congolais devront-ils risquer leur vie pour simplement toucher leur dû ?
Selon les informations recueillies sur place, l’accident de circulation sur la RN1 a également fait plusieurs blessés, dont certains sont dans un état critique. Les autorités locales évoquent la possibilité d’évacuations sanitaires vers Kinshasa pour les cas les plus graves, ajoutant une dimension logistique et financière à cette catastrophe humaine. Le cadre de concertation de la société civile du Kwango, qui a relayé l’information avec une colère non dissimulée, tire la sonnette d’alarme. Pour Symphorien Kwengo, vice-président de cette structure, cet accident n’est pas une fatalité mais la conséquence directe d’une gestion archaïque. « Ce n’est pas normal que les enseignants quittent la ville de Kenge pour aller se faire payer dans une province voisine », assène-t-il, pointant du doigt un système qui oblige les agents de l’État à parcourir des centaines de kilomètres sur des routes dangereuses pour accéder à leur argent.
Le ton est à l’indignation. Comment en est-on arrivé là ? L’absence de décentralisation effective de la paie des agents publics force des milliers d’enseignants et de fonctionnaires à entreprendre des voyages périlleux, transformant la simple opération de retrait de salaire en une expédition à haut risque. L’accident de Kenge sur la RN1 en est la triste et sanglante illustration. La société civile du Kwango exige désormais des actes concrets : la décentralisation immédiate de la paie et l’installation urgente de succursales de banques commerciales à Kenge. « Il faut que les enseignants perçoivent leurs salaires là où ils travaillent », insiste Symphorien Kwengo. Cette demande, au-delà du pragmatisme, est une question de dignité et de sécurité pour ces femmes et ces hommes qui assurent l’éducation des futures générations dans des conditions souvent précaires.
Cette tragédie met en lumière un problème structurel qui dépasse largement le cadre du Kwango. La concentration des services financiers et administratifs dans quelques pôles urbains exclut de fait une grande partie du territoire, accentuant les inégalités et les risques. La mort de ces quatre enseignants dans cet accident de la RN1 doit-elle sonner comme un ultime avertissement ? La décentralisation de la paie des enseignants n’est pas une simple revendication administrative ; c’est une mesure de salut public. Combien de drames similaires faudra-t-il encore déplorer pour que les choses bougent ? L’installation de banques à Kenge permettrait non seulement de sécuriser les transactions des agents publics, mais aussi de dynamiser l’économie locale, offrant des services à une population entière.
Alors que les familles des victimes de l’accident de Mbeko sont plongées dans le deuil, et que les blessés luttent pour leur survie, la balle est dans le camp des autorités. Ce drame, survenu sur un axe vital mais dangereux, est un symbole criant des défis immenses que doit relever la République Démocratique du Congo en matière de gouvernance territoriale et d’accès aux services de base. La société civile du Kwango, par la voix de ses représentants, ne se contente pas de dénoncer ; elle propose des solutions. Écoutera-t-on enfin sa voix ? La sécurité et la dignité des enseignants, ces piliers souvent oubliés de la nation, en dépendent. L’urgence n’est plus seulement routière ; elle est humaine et systémique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
