« Quand on m’a amputé le pied, j’ai beaucoup souffert. Mais aujourd’hui, je me porte mieux et je suis devenue autonome. » La voix de Mave Kabona, survivante des violences dans le territoire de Djugu, en Ituri, porte un mélange de douleur et d’espoir. Son témoignage résume le parcours de près de 200 000 victimes de crimes internationaux qui, dans l’est de la République démocratique du Congo, ont pu retrouver un semblant de normalité grâce à l’intervention du Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale (CPI).
Pendant cinq ans, ce programme d’assistance a déployé une aide multidimensionnelle dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, régions ravagées par des décennies de conflits. Les bénéficiaires, survivants de tortures, de mutilations, de violences sexuelles et d’autres crimes contre l’humanité, ont reçu un soutien psychologique, médical et matériel. Cette initiative vise non seulement à panser les plaies immédiates mais aussi à reconstruire des vies brisées.
Comment redonner un avenir à ceux qui ont tout perdu ? Le Fonds CPI a opté pour une approche holistique. Au-delà des soins urgents, l’accent a été mis sur la réinsertion socio-économique des victimes. Comme Mave, qui après avoir reçu une prothèse, a été formée à la coupe et couture et a obtenu une machine à coudre lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille. « Ils m’ont donné une machine à coudre, m’ont appris à coudre et m’ont aussi remis un peu d’argent », confie-t-elle. Des centaines d’autres ont ainsi été formées à des métiers et ont reçu un appui financier pour lancer des activités génératrices de revenus.
Le soutien psychologique en RDC est un pilier essentiel de ce programme. Dans des régions où les traumatismes sont profonds, l’accompagnement mental est crucial pour permettre aux victimes de surmonter leurs blessures invisibles. Ce volet, combiné à l’aide médicale et à la réinsertion professionnelle, contribue à restaurer la dignité et l’autonomie des personnes touchées. Le gouverneur de l’Ituri, le général Johnny Luboya, a salué l’impact de ces interventions, estimant qu’elles « contribuent à restaurer le bien-être des victimes et à renforcer leur résilience ainsi que leur autonomie socio-économique ».
Néanmoins, le chemin a été semé d’embûches. L’insécurité persistante dans l’est du pays a souvent limité l’accès à certaines zones, isolant des communautés entières. Les déplacements répétés des populations fuyant les violences ont compliqué le suivi des bénéficiaires. Comment assurer une aide durable quand la terreur continue de chasser les gens de leurs villages ? Cette question reste sans réponse complète, soulignant que le soutien aux victimes ne peut être dissocié de la recherche d’une paix durable et de la lutte contre l’impunité.
Les crimes contre l’humanité en Ituri et dans les Kivus ont laissé des cicatrices profondes. Le Fonds CPI aide les victimes à se reconstruire, mais le tableau demeure contrasté. D’un côté, des milliers de personnes retrouvent un équilibre, apprennent un métier, recouvrent une santé mentale. De l’autre, les racines du mal – conflits armés, pauvreté, absence de justice – perdurent. La réinsertion des victimes de guerre est un processus long et complexe, qui nécessite un engagement soutenu de tous les acteurs, locaux et internationaux.
Alors que ce programme arrive à son terme, son héritage pose une question cruciale : cette assistance ponctuelle suffira-t-elle à briser le cycle de la violence ? Pour des régions marquées par des atrocités, l’aide matérielle et psychologique est une bouée de sauvetage. Mais sans stabilité politique et sans efforts concertés pour la justice, le risque de rechute est permanent. La communauté internationale et le gouvernement congolais doivent redoubler d’efforts pour transformer cette lueur d’espoir en avenir viable pour toutes les victimes.
En définitive, l’action du Fonds CPI montre qu’il est possible de redonner une chance à ceux qui ont tout perdu. Mais elle rappelle aussi l’urgence de s’attaquer aux causes profondes des conflits en RDC. Car chaque victime qui se relève est une victoire, mais chaque nouvelle victime est un échec collectif qui interpelle notre humanité commune.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
